J’ai recraché la vie.
Son goût de renfermé n’a pu entrer en moi.
Je l’ai recrachée sans colère, et sans haine, parce que l’ordre me hante,
Parce qu’au fond je me hais.
Après bien des plaisirs,
Après bien des gymnastiques,
Je lui ai dit non pour sa dernière étape, pour son dernier pas ;
Vrai, elle m’a manqué de peu.
Voilà. Je partirai, je croirai en l’amour,
J’irai, on me verra, on m’oubliera.
Mais sur les routes je sais désormais qui je suis, d’où je viens:
Je suis la mort, et la vie m’escortera.
Donnerstag, 28. Januar 2010
Escorte
Lourde l’inaction et le farniente. Lourde la haine, l’incompréhension la platitude des astres. Je ne veux rien et je ne suis rien.
Et même si un soir j’arrivais à l’amour, et si j’aimais, et si je savais vivre - audacieuse espérance ! - combien de temps pourrais-je m’attacher ?
Et parfois même, sombre, lorsque même la vie me pèse même la vie est triste, elle reprend le dessous. Je redeviens âme.
Et puisque je ne suis qu’esprit flottant entre deux rives de l’indécision, entre l’inconstance et l’amour absolu des autres, comment me croire ?
Et puis bien sûr je maudirai ces quelques phrases, bien sûr je me frapperai le cœur - « tu as perdu ton talent » ! – mais ai-je jamais eu quelquechose à dire ?
Enfin, je regarderai ces quelques mots « mépris, lourde, néant » comme métaphore de ma vie ; j’essaierai de recomposer mes espérances en miettes.
Mais lourde lourde l’inaction, lourde l’inconstance, la légèreté ; plein du mensonge de mon corps, j’avance, et pourtant…
Et pourtant un jour, je m’étais dit que jamais il n’en serait ainsi… je porte le deuil de ma jeunesse ; et c’est moi-même que j’enterre
Sous un sable mouvant, la vie, sous le poids du passé, l’amour ; je suis un vieillard sans passé, un mourant sans vie éternelle.
Je suis la mort, et la vie m’escortera.
Et même si un soir j’arrivais à l’amour, et si j’aimais, et si je savais vivre - audacieuse espérance ! - combien de temps pourrais-je m’attacher ?
Et parfois même, sombre, lorsque même la vie me pèse même la vie est triste, elle reprend le dessous. Je redeviens âme.
Et puisque je ne suis qu’esprit flottant entre deux rives de l’indécision, entre l’inconstance et l’amour absolu des autres, comment me croire ?
Et puis bien sûr je maudirai ces quelques phrases, bien sûr je me frapperai le cœur - « tu as perdu ton talent » ! – mais ai-je jamais eu quelquechose à dire ?
Enfin, je regarderai ces quelques mots « mépris, lourde, néant » comme métaphore de ma vie ; j’essaierai de recomposer mes espérances en miettes.
Mais lourde lourde l’inaction, lourde l’inconstance, la légèreté ; plein du mensonge de mon corps, j’avance, et pourtant…
Et pourtant un jour, je m’étais dit que jamais il n’en serait ainsi… je porte le deuil de ma jeunesse ; et c’est moi-même que j’enterre
Sous un sable mouvant, la vie, sous le poids du passé, l’amour ; je suis un vieillard sans passé, un mourant sans vie éternelle.
Je suis la mort, et la vie m’escortera.
Risquons-tout
Je cours.
Ma vie
S’allie
Au jour.
Un sourd
Se crie
L’envie
D’amour.
C’est moi !
Il voit,
Il sent
Le piège.
- Quel piège
M’attend ?
Ma vie
S’allie
Au jour.
Un sourd
Se crie
L’envie
D’amour.
C’est moi !
Il voit,
Il sent
Le piège.
- Quel piège
M’attend ?
Au creux de la fête
C’est le soir
Du poète ;
L’ombre prête
Son espoir.
Va t’asseoir
Loin de l’ét-
Range fête,
Va t’asseoir.
_________
Mon étoile,
C’est l’étoile
La plus sombre…
La voilà !
Endors-toi
A son ombre.
Du poète ;
L’ombre prête
Son espoir.
Va t’asseoir
Loin de l’ét-
Range fête,
Va t’asseoir.
_________
Mon étoile,
C’est l’étoile
La plus sombre…
La voilà !
Endors-toi
A son ombre.
Nouveau mur
Un nouvel échec !
La journée qui passe
M’a pris dans sa nasse
M’a cloué le bec,
Avec joie, avec
Ce qu’il faut d’audace
De regard tenace
De mots fiers, d’œil sec.
Rempli d’amour comme
Le poète et l’homme,
J’affronte un mur d’ombre …
Me voilà alors
Rêves de ma mort,
Illusions sans nombre !
La journée qui passe
M’a pris dans sa nasse
M’a cloué le bec,
Avec joie, avec
Ce qu’il faut d’audace
De regard tenace
De mots fiers, d’œil sec.
Rempli d’amour comme
Le poète et l’homme,
J’affronte un mur d’ombre …
Me voilà alors
Rêves de ma mort,
Illusions sans nombre !
Combat
A quoi bon secourir
Si tout se brise – plâtre ! - ,
Et à quoi bon combattre
Sinon, pour un sourire ?
Pourquoi encore ouvrir
Les grands vantaux d’albâtre,
Et pourquoi se débattre
S’il faut encore souffrir ?
Je donnerais mon corps.
J’offrirais mes trésors,
On m’appelle, j’y vais !
Et à quoi bon sa flamme,
A quoi bon rendre l’âme
Sinon, pour exister !
Si tout se brise – plâtre ! - ,
Et à quoi bon combattre
Sinon, pour un sourire ?
Pourquoi encore ouvrir
Les grands vantaux d’albâtre,
Et pourquoi se débattre
S’il faut encore souffrir ?
Je donnerais mon corps.
J’offrirais mes trésors,
On m’appelle, j’y vais !
Et à quoi bon sa flamme,
A quoi bon rendre l’âme
Sinon, pour exister !
Le récital
Lui – Ecoute mon poème,
Celui que j’ai fait pour toi.
C’est ce que je porte en moi ;
C’est mon étonnant blasphème.
Elle – Encor toujours le même
Et je l’entends mille fois !
Il sonne faux, et ta voix
Gémit comme un grain qu’on sème.
– C’est la voix de mon amour !
– C’était un mauvais détour.
Ensemble – Il n’y a pas – chance ! –
De désir sans trahison
Ni de bonheur sans chanson
Ni d’amour sans un silence.
Celui que j’ai fait pour toi.
C’est ce que je porte en moi ;
C’est mon étonnant blasphème.
Elle – Encor toujours le même
Et je l’entends mille fois !
Il sonne faux, et ta voix
Gémit comme un grain qu’on sème.
– C’est la voix de mon amour !
– C’était un mauvais détour.
Ensemble – Il n’y a pas – chance ! –
De désir sans trahison
Ni de bonheur sans chanson
Ni d’amour sans un silence.
Le temps de la poésie
C’est l’heure où le poète dresse
Et anime les rêves morts.
Et c’est l’instant que tous adorent,
Sans insistance et sans paresse.
Comme la pauvre forteresse
Dont l’ennemi prend les abords,
Les mots déchirent cœurs et corps
Pour atteindre au cœur la détresse.
Il va livrer sa confidence,
Et laisser aux soins de l’errance
S’envoler la sublime vie.
C’est le temps paisible et amer
Les bruits du jour impur s’enterrent
C’est le temps de la poésie.
Et anime les rêves morts.
Et c’est l’instant que tous adorent,
Sans insistance et sans paresse.
Comme la pauvre forteresse
Dont l’ennemi prend les abords,
Les mots déchirent cœurs et corps
Pour atteindre au cœur la détresse.
Il va livrer sa confidence,
Et laisser aux soins de l’errance
S’envoler la sublime vie.
C’est le temps paisible et amer
Les bruits du jour impur s’enterrent
C’est le temps de la poésie.
Le temps de la poésie
C’est l’heure où le poète dresse
Et anime les rêves morts.
Et c’est l’instant que tous adorent,
Sans insistance et sans paresse.
Comme la pauvre forteresse
Dont l’ennemi prend les abords,
Les mots déchirent cœurs et corps
Pour atteindre au cœur la détresse.
Il va livrer sa confidence,
Et laisser aux soins de l’errance
S’envoler la sublime vie.
C’est le temps paisible et amer
Les bruits du jour impur s’enterrent
C’est le temps de la poésie.
Et anime les rêves morts.
Et c’est l’instant que tous adorent,
Sans insistance et sans paresse.
Comme la pauvre forteresse
Dont l’ennemi prend les abords,
Les mots déchirent cœurs et corps
Pour atteindre au cœur la détresse.
Il va livrer sa confidence,
Et laisser aux soins de l’errance
S’envoler la sublime vie.
C’est le temps paisible et amer
Les bruits du jour impur s’enterrent
C’est le temps de la poésie.
Gloire obscure
Caché dans les décombres du jour,
Le poète écarté de la vie,
Sensiblement nuageux allie,
Le ciel de l’aveugle aux cris du sourd.
Il porte ce qu’il ignore : amour,
Dieu mystérieux, les mots, sombre envie ;
C’est feue la ruineuse poésie,
Et c’est l’incompréhensible atour.
Gloire du passé, du lendemain !
C’est le paradis entre ses mains !
Il va continuer malgré l’usure
Et continuer encor, sans fracas,
Et s’enfoncer à tous petits pas,
Vers la merveille, une gloire obscure !
Le poète écarté de la vie,
Sensiblement nuageux allie,
Le ciel de l’aveugle aux cris du sourd.
Il porte ce qu’il ignore : amour,
Dieu mystérieux, les mots, sombre envie ;
C’est feue la ruineuse poésie,
Et c’est l’incompréhensible atour.
Gloire du passé, du lendemain !
C’est le paradis entre ses mains !
Il va continuer malgré l’usure
Et continuer encor, sans fracas,
Et s’enfoncer à tous petits pas,
Vers la merveille, une gloire obscure !
Le nouveau monde
Amour, vibrant au cœur de la tempête,
Amour, j’ai chanté ta vie sans la voir ;
Je t’ai revêtu des plus belles gloires ;
Je t’ai donné ma mort la plus secrète.
Amour, dis-moi, pour quand l’heure parfaite,
Dans des bras adorés ? – Heureux ce soir –
Quand pourrai-je m’illuminer d’espoir,
Et me griser de mon passé en miette ?
Dis-moi, avant que tout espoir ne faille,
Avant que dans les cris de la bataille
Je ne doive enterrer le rêve blême.
Poète encor, donne-moi le destin
De ce cœur blanc, de ce cœur incertain,
De mon amour plus puissant que moi-même ?
Amour, j’ai chanté ta vie sans la voir ;
Je t’ai revêtu des plus belles gloires ;
Je t’ai donné ma mort la plus secrète.
Amour, dis-moi, pour quand l’heure parfaite,
Dans des bras adorés ? – Heureux ce soir –
Quand pourrai-je m’illuminer d’espoir,
Et me griser de mon passé en miette ?
Dis-moi, avant que tout espoir ne faille,
Avant que dans les cris de la bataille
Je ne doive enterrer le rêve blême.
Poète encor, donne-moi le destin
De ce cœur blanc, de ce cœur incertain,
De mon amour plus puissant que moi-même ?
Photo du poète
Comme les avions osent rayer le ciel,
Pour y marquer juste un instant leur passage,
Comme tous les noms adorés sur la plage
Vont s’effacer – les vagues les ensorcellent – ,
Le poète avant de s’effondrer révèle
Son ennui – c’est l’horizon du paysage – ,
Ses espoirs – c’est le soleil qui n’a plus d’âge – ,
Sa vie – c’est l’océan calme et immortel.
Il tourne, il tourne sans fin comme horrifié ;
Sur le vide il dresse ses mots, à moitié
Surpris, il les élève dans la lumière.
O lumière la poésie doit rester
Lumière la poésie l’immensité
L’emportera, et nous serons la misère.
Pour y marquer juste un instant leur passage,
Comme tous les noms adorés sur la plage
Vont s’effacer – les vagues les ensorcellent – ,
Le poète avant de s’effondrer révèle
Son ennui – c’est l’horizon du paysage – ,
Ses espoirs – c’est le soleil qui n’a plus d’âge – ,
Sa vie – c’est l’océan calme et immortel.
Il tourne, il tourne sans fin comme horrifié ;
Sur le vide il dresse ses mots, à moitié
Surpris, il les élève dans la lumière.
O lumière la poésie doit rester
Lumière la poésie l’immensité
L’emportera, et nous serons la misère.
Travail de la nuit tombante
Regarde-moi du fond de ton deuil de cristal,
Mystérieux passé, lumière incandescente!
Vois mes yeux sinistrement sombres, triste fente
De mon amour, dernier refuge des étoiles.
Pourtant c’était l’amour pur, l’amour idéal,
Qui me tendait sa main étrange transparente.
Il n’y avait plus de lune au ciel – la vie est lente !
La vie n’éclairera jamais ce cœur glacial.
Ecoute-moi j’approche au rythme de la nuit !
Ma voix tremble, et je porte aux lèvres mon ennui,
Au fond de moi le son brisé de ton amour ;
Car c’est pour toi qu’au seuil des journées je mendie
Un jour nouveau, après ton ombre que je prie,
Au seuil de l’univers, l’empreinte des beaux jours.
Mystérieux passé, lumière incandescente!
Vois mes yeux sinistrement sombres, triste fente
De mon amour, dernier refuge des étoiles.
Pourtant c’était l’amour pur, l’amour idéal,
Qui me tendait sa main étrange transparente.
Il n’y avait plus de lune au ciel – la vie est lente !
La vie n’éclairera jamais ce cœur glacial.
Ecoute-moi j’approche au rythme de la nuit !
Ma voix tremble, et je porte aux lèvres mon ennui,
Au fond de moi le son brisé de ton amour ;
Car c’est pour toi qu’au seuil des journées je mendie
Un jour nouveau, après ton ombre que je prie,
Au seuil de l’univers, l’empreinte des beaux jours.
Ils partiront dans l’ivresse.
La nuit les tient éveillés, les enveloppe et les gomme parmi l’obscurité des arbres, des collines. Ils s’en vont, et le chemin crisse sous leur pas, et les cailloux bruissent comme des branches mortes.
Dans l’ombre je me cache moi aussi – je m’éloigne du monde et je veux me pendre – , je me cache derrière le grand chêne au fond du jardin, je les vois passer en s’embrassant. J’étreins dans l’amertume le chêne ; demain je m’y pendrai.
O vie sublime dans des bras aimés au comble du bonheur, passer dans la nature comme un rêve dans les têtes. Changer de corps ! Mais ni la vie ne déménage – ni l’âme ! – m’échapper, m’échapper !
________
Le matin les réveillera loin des arbres, des collines – et le soleil filtré par les feuilles tombera sur leur corps, doucement – ils me verront pas – car je serai mort depuis longtemps gommé, enveloppé loin de ses rayons.
Mais avant de mourir moi je les verrai, à l’ombre du grand chêne, je les verrai partir dans l’ivresse… Puis ce sera à moi de m’en aller, ivre de tristesse, caché – caché au jour nouveau de l’amour !
La nuit de mai
Ma tête penche trop lourdement.
Mes yeux sont trop lourds de t’attendre.
Un instant de plus ! C’est toute ma vie que je t’accorde,
Et l’amour m’enchantera,
Et tu seras l’espoir sur cette terre.
Approche, approche, tandis que le monde tourne.
Est-il vrai – que ce n’est pas pour toi – que d’autres existent,
Sans te connaître ? La vie brisante !
La vie ? – elle n’aurait plus de merveille, plus d’inquiétudes,
Elle serait la mer sonore et monotone.
Mais si tu cherches un pilier
Où reposer ta tête lasse – une obscurité
Pour reposer tes yeux – regarde-moi ;
Je serai au cœur des autres, discrètement
Tu, je brûlerai pour toi.
________
Un jour tu tourneras vers moi ton visage ;
Un jour tes yeux m’emporteront,
Juste un instant ! Je te donnerai ma vie,
Et l’amour m’enchantera,
Et tu seras l’immense espoir sur cette terre.
Mes yeux sont trop lourds de t’attendre.
Un instant de plus ! C’est toute ma vie que je t’accorde,
Et l’amour m’enchantera,
Et tu seras l’espoir sur cette terre.
Approche, approche, tandis que le monde tourne.
Est-il vrai – que ce n’est pas pour toi – que d’autres existent,
Sans te connaître ? La vie brisante !
La vie ? – elle n’aurait plus de merveille, plus d’inquiétudes,
Elle serait la mer sonore et monotone.
Mais si tu cherches un pilier
Où reposer ta tête lasse – une obscurité
Pour reposer tes yeux – regarde-moi ;
Je serai au cœur des autres, discrètement
Tu, je brûlerai pour toi.
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Un jour tu tourneras vers moi ton visage ;
Un jour tes yeux m’emporteront,
Juste un instant ! Je te donnerai ma vie,
Et l’amour m’enchantera,
Et tu seras l’immense espoir sur cette terre.
Fratricide
C’est toi qui écris des poèmes que personne ne lira,
des jets de sang informes et affligeants.
- Non, ce n’est pas moi.
C’est toi qui prétends réfléchir, rêver,
et qui passes ta vie à calculer.
- Non, ce n’est pas moi.
C’est toi qui te détruis, qui t’insultes,
puis qui ensuite te magnifies.
- Non, ce n’est pas moi.
C’est toi qui t’ignores, qui étouffes en toi
ce qui sent la vie.
- Ce n’est pas moi.
C’est toi qui regardes quiconque passer sans le comprendre,
sans le connaître…
- Ce n’est pas moi.
C’est toi qui as cherché la mort, qui l’as attirée dans ta toile,
c’est toi qui as voulu nous tuer, misérable !
- Ce n’est pas moi, ce n’est pas moi, c’est Lui !
des jets de sang informes et affligeants.
- Non, ce n’est pas moi.
C’est toi qui prétends réfléchir, rêver,
et qui passes ta vie à calculer.
- Non, ce n’est pas moi.
C’est toi qui te détruis, qui t’insultes,
puis qui ensuite te magnifies.
- Non, ce n’est pas moi.
C’est toi qui t’ignores, qui étouffes en toi
ce qui sent la vie.
- Ce n’est pas moi.
C’est toi qui regardes quiconque passer sans le comprendre,
sans le connaître…
- Ce n’est pas moi.
C’est toi qui as cherché la mort, qui l’as attirée dans ta toile,
c’est toi qui as voulu nous tuer, misérable !
- Ce n’est pas moi, ce n’est pas moi, c’est Lui !
Jamais je n’ai rêvé plus difficile nuit.
Jamais je n’ai pensé l’espoir finir ainsi.
On s’étonne, on regarde, ailleurs le reste est beau.
Ici, en moi, mon cœur réfléchit des tombeaux.
L’horreur de vivre brûle, ainsi qu’un piment rouge,
Un front qui s’en voulait, un front qui cherche à vivre… à mourir
La vie sera affreuse
Je ne veux pas continuer
Et j’en ai marre des poèmes
Marre d’écrire
Pas de consolations.
Mourons.
Peut-être – sans doute – c’est sûr – cela vaut mieux pour moi
Je n’aurai fait de beau que mourir dans ma vie
L’avenir sera ignoble.
Je serai rejeté de partout.
Il n’y a pas de figure d’espoir.
Je n'arrive pas à aimer Isabel Bremen.
Dieu n’existe pas.
La moindre chose écrite entraîne la discorde
Je suis pire qu’un animal – je pense –
Et mes passions sont sèches
Et mon désir me tue
Et ma vie ne fait que lui donner plus soif
Je n’arriverai jamais à rien.
Ici s’arrête ma triste ascension
Descente vers moi-même l’horreur.
Et que peuvent me faire l’espérance, l’amitié, l’amour !
Je serai obligé de leur fausser compagnie
Car je ne parviens pas à aimer Isabel Bremen
Car les autres ne me connaissent pas
...
Car je me sens un peu mal.
Car ce « georges », seul être digne de confiance, de joie, d’admiration
peut-être, n’existe pas.
Délivrons-nous.
Je vais déchirer mon cœur et en expirer toute l’amertume.
Je vais frapper mon âme comme on s’acharne sur un poulpe.
Ma conscience… AAAH !
Je suis incapable de tout dire.
Ma fureur se crie mais reste silencieuse.
Grr OuhN’aHiHOU haaaou ougrrrrrr…
Qu’est-ce qui est vraiment révoltant ? C’est soi-même.
FIN.
Jamais je n’ai pensé l’espoir finir ainsi.
On s’étonne, on regarde, ailleurs le reste est beau.
Ici, en moi, mon cœur réfléchit des tombeaux.
L’horreur de vivre brûle, ainsi qu’un piment rouge,
Un front qui s’en voulait, un front qui cherche à vivre… à mourir
La vie sera affreuse
Je ne veux pas continuer
Et j’en ai marre des poèmes
Marre d’écrire
Pas de consolations.
Mourons.
Peut-être – sans doute – c’est sûr – cela vaut mieux pour moi
Je n’aurai fait de beau que mourir dans ma vie
L’avenir sera ignoble.
Je serai rejeté de partout.
Il n’y a pas de figure d’espoir.
Je n'arrive pas à aimer Isabel Bremen.
Dieu n’existe pas.
La moindre chose écrite entraîne la discorde
Je suis pire qu’un animal – je pense –
Et mes passions sont sèches
Et mon désir me tue
Et ma vie ne fait que lui donner plus soif
Je n’arriverai jamais à rien.
Ici s’arrête ma triste ascension
Descente vers moi-même l’horreur.
Et que peuvent me faire l’espérance, l’amitié, l’amour !
Je serai obligé de leur fausser compagnie
Car je ne parviens pas à aimer Isabel Bremen
Car les autres ne me connaissent pas
...
Car je me sens un peu mal.
Car ce « georges », seul être digne de confiance, de joie, d’admiration
peut-être, n’existe pas.
Délivrons-nous.
Je vais déchirer mon cœur et en expirer toute l’amertume.
Je vais frapper mon âme comme on s’acharne sur un poulpe.
Ma conscience… AAAH !
Je suis incapable de tout dire.
Ma fureur se crie mais reste silencieuse.
Grr OuhN’aHiHOU haaaou ougrrrrrr…
Qu’est-ce qui est vraiment révoltant ? C’est soi-même.
FIN.
Blason
Quand le bruit partait, dans le silence de l’ivresse, je m’arrêtais sans même y croire sur chaque instant de la veille, je me souvenais des paroles qui malgré moi me sortaient de la bouche, des mensonges, des spectacles que j’avais donné de moi, et qui n’avaient rien valu aux yeux de personne. Je revoyais les mauvaises plaisanteries, la comédie de l’homme pour qui c’est le seul rôle, et qui faisait soit rire, soit pleurer.
Puis dans ma vie de tous les jours, cauchemar de vie éternel, quand, assis au milieu d’un groupe que je ne peux aimer, je me mettais à relire mon âme, et essayais d’en percer le secret – je croyais me connaître – et je me trouvais pire encore que je ne m’imaginais, vaisseau fantôme, nef des fous, ballotté ici et là, entre les deux courants du rire, et des pleurs.
Je m’arrachais les cheveux de la tête, je me disais « non, ce n’est pas possible, ce n’est pas toi », mais c’était moi, c’était bien mon visage hélas, mon corps qui marchait dans ces rues où il n’avait rien à faire, vide d’esprit et de vitalité, le cœur mou, et c’était bien à mes oreilles que résonnait cette devise, comme une litanie à s’en briser le crâne : « Rire, ou pleurer ».
Il me restait à franchir les portes de la mort : je « songeais au suicide » avec une lucidité étonnante, j’analysais les chances, les risques, les possibilités… Puis je pensais à ceux que j’aurais aimé revoir, et que du coup je ne reverrais plus, quelques êtres adorés ; je suggérais que ce serait bien dommage ; mais je me reprenais, je riais de cette faiblesse, de ma tristesse.
Ou encore, une fois, alors que les autres priaient Dieu, comme des malades, joignant leurs mains, et chantant avec une volonté, une beauté sans pareille, je me disais que moi aussi, j’aurais bien aimé croire en Dieu ; mais je me moquais de leurs poses, de leur certitude incompréhensible. Puis, quand les chants partaient, dans le silence de la chapelle, je maudissais je pleurais mon intolérance, mes sourires.
Pouvoir savoir penser ! Pouvoir ne plus me trouver, au creux de la vague, ou à son faîte, mais dans une mer morte ! Pouvoir être constant ! Vivre, sans regretter le passer, sans se moquer du futur ! Dieu au profond amour, Dieu plein de tendresse. Pouvoir avoir un « soi-même », un quelquechose en qui se croire ! Ne plus se partager entre l’éloignement et l’atteinte, entre les rires, entre les larmes !
Mais, caché dans un monde qui m’ignore, devenu un être aux opinions bien claires, aux positions stables comme des citadelles, pur et vide de fantasmes, « sans désir », dans un calme incommensurable, là, je n’aurais plus à sortir mes mouchoirs, ou à écrire des poèmes auxquels je ne crois pas pour me sentir quelqu’un, j’en aurai fini de cette devise : « Rire, ou pleurer ».
Et je regarderai ma jeunesse comme une longue indifférence, une jeunesse dorée comme le sont les nuits d’orage, une chose fantastique ; et je me maudirai d’être vieux, de ne plus avoir ma magique inconstance, cet esprit lumineux, flottant, et qui enchantait ceux qui me voyaient ; je me poserai les questions qu’il ne faut plus, quand il ne le faut plus ; je me demanderai, les yeux remplis de larmes, « Où est le rire ? »
Alors, je jetterai un coup d’œil à la vie des autres, je penserai, me grisant pour la dernière fois de mensonges, « il y a pire ailleurs » – normal ! – je ne me comprendrai plus, je me mépriserai, même… quand tout aura disparu, ruines de mon âme, ordure d’autrefois peu importe, et à moitié mort de rire, à moitié fou de rire, je prononcerai mon épitaphe : « Pourquoi donc as-tu tant pleuré ? »
Avant le dernier souffle cependant, il me viendra à l’esprit qu’un autre aurait su passer, à ma place, un être enfin constant – compréhensible, quoi ! – Il aurait vécu sans jamais regretter le passé, sans se moquer de l’avenir : et personne n’aurait entendu le bruit frêle, maladroit du partage, entre l’éloignement et l’atteinte, le bruit de mes rires, et le bruit de mes larmes.
Valse écrasante
O mes chers amis ! Olivier que je suis sans détour,
Yann et son espérance, Aurélie la beauté même,
Et les autres perdus dans ma mémoire, dans le fil des souvenirs,
O toi Guillaume « ton ami pour toujours »,
Et ceux qui ne m’ont plus revu, et ceux que j’ai abandonnés,
Alice que j’ai cru faire souffrir, Antigone,
Les amis dont le regard m’est terrifiant, honteux,
Auxquels je dois cacher ma traîtrise, tous ceux-là
M’entourent ; je me dis que je les aime bien.
Et Caroline le début de l’adolescence, la jeunesse
Recréée par ces quelques mots, ces quelques noms
Que personne ne connaît, qui ne signifient rien à personne.
Pourtant c’est là que ma vie s’est jouée,
Derrière ces murs tristes, ces murs anciens,
Où j’essayais de promener mon âme ;
O toi Marie le secours de la joie,
Et vous tous avec qui j’ai cru pouvoir vivre,
Elle qui a tout su, Nora, Stefan, Eduardo –
Mes amis ! – me voilà écrasé par votre exemple,
Renversé par votre beauté, sans pouvoir faire un geste,
Sans oser expulser un réflexe d’amour.
________
Silence… comme une ville morte après la guerre,
Je recompte dans l’ivresse mes amis disparus. – Horreur !
Ils partent sans vouloir rester, et moi je fuis, sans vouloir partir !
Yann et son espérance, Aurélie la beauté même,
Et les autres perdus dans ma mémoire, dans le fil des souvenirs,
O toi Guillaume « ton ami pour toujours »,
Et ceux qui ne m’ont plus revu, et ceux que j’ai abandonnés,
Alice que j’ai cru faire souffrir, Antigone,
Les amis dont le regard m’est terrifiant, honteux,
Auxquels je dois cacher ma traîtrise, tous ceux-là
M’entourent ; je me dis que je les aime bien.
Et Caroline le début de l’adolescence, la jeunesse
Recréée par ces quelques mots, ces quelques noms
Que personne ne connaît, qui ne signifient rien à personne.
Pourtant c’est là que ma vie s’est jouée,
Derrière ces murs tristes, ces murs anciens,
Où j’essayais de promener mon âme ;
O toi Marie le secours de la joie,
Et vous tous avec qui j’ai cru pouvoir vivre,
Elle qui a tout su, Nora, Stefan, Eduardo –
Mes amis ! – me voilà écrasé par votre exemple,
Renversé par votre beauté, sans pouvoir faire un geste,
Sans oser expulser un réflexe d’amour.
________
Silence… comme une ville morte après la guerre,
Je recompte dans l’ivresse mes amis disparus. – Horreur !
Ils partent sans vouloir rester, et moi je fuis, sans vouloir partir !
« Grande valse brillante »
On dit l’amour une chose précieuse,
Un diamant pur caché pour les profanes.
Et je ne veux pas le connaître.
On me dit une femme est toute la lumière,
Et la beauté des planètes, et la beauté des étoiles.
Je reste sourd et monotone…
Partout où mes yeux ont vu la terre creuse
Partout où temps et autre offraient leurs faces planes,
J’ai rêvé moi aussi de renaître ;
Car autour de moi volait ce cœur de pierre,
Et toujours il m’enferme dans ses toiles ;
Et par un si beau soir j’ordonne
Comme une bête, et comme un homme,
J’ordonne à tous de laisser mon chant impur,
Partir de moi, puis retomber ivre,
Là-bas, hors de la ligne, loin de tout ; dans la plaine,
Nous étendrons l’amertume sans fin de ne pouvoir
L’étendre plus encore…
Et dans ce bel enfer en somme
Dans ce monde qui ne me veut ni froid ni dur
De n’avoir pas un seul jour su vivre,
Tu apparaîtras soudain comme une reine,
Comme une pauvre princesse qui ne peut que voir
Son prix mourir en chaque pore,
A qui on dit l’amour une chose précieuse,
Un diamant pur caché pour les profanes,
Et à qui il ferme la porte.
Toujours tu prouveras que femme égal lumière,
Et beauté des planètes, et beauté des étoiles.
Car tu seras comme l’espace à naître…
Quand tu demeureras pour toujours lumineuse
Au loin ! Perdue dans les nuits océanes,
Tu viendras regretter, comme une morte,
Et pleurer un soir sur cette pierre,
Le pauvre homme endormi dans un espoir sans voiles
Qui ne voulait plus se connaître.
Un diamant pur caché pour les profanes.
Et je ne veux pas le connaître.
On me dit une femme est toute la lumière,
Et la beauté des planètes, et la beauté des étoiles.
Je reste sourd et monotone…
Partout où mes yeux ont vu la terre creuse
Partout où temps et autre offraient leurs faces planes,
J’ai rêvé moi aussi de renaître ;
Car autour de moi volait ce cœur de pierre,
Et toujours il m’enferme dans ses toiles ;
Et par un si beau soir j’ordonne
Comme une bête, et comme un homme,
J’ordonne à tous de laisser mon chant impur,
Partir de moi, puis retomber ivre,
Là-bas, hors de la ligne, loin de tout ; dans la plaine,
Nous étendrons l’amertume sans fin de ne pouvoir
L’étendre plus encore…
Et dans ce bel enfer en somme
Dans ce monde qui ne me veut ni froid ni dur
De n’avoir pas un seul jour su vivre,
Tu apparaîtras soudain comme une reine,
Comme une pauvre princesse qui ne peut que voir
Son prix mourir en chaque pore,
A qui on dit l’amour une chose précieuse,
Un diamant pur caché pour les profanes,
Et à qui il ferme la porte.
Toujours tu prouveras que femme égal lumière,
Et beauté des planètes, et beauté des étoiles.
Car tu seras comme l’espace à naître…
Quand tu demeureras pour toujours lumineuse
Au loin ! Perdue dans les nuits océanes,
Tu viendras regretter, comme une morte,
Et pleurer un soir sur cette pierre,
Le pauvre homme endormi dans un espoir sans voiles
Qui ne voulait plus se connaître.
Valse légère
Des vieux poèmes !
Voilà tout ton « art » poétique :
Des vieux poèmes.
Voilà tout ton « art » poétique,
Toutes tes joies vendues sur terre
– tout ton art poétique !
Mais toute joie vendue sur terre
Brisera celui qui pleure
Toutes ses joies vendues sur terre.
Les brisures de celui qui pleure
Les rires du soir, et les aubes,
Tout brisera celui qui pleure.
Les rires du soir et de l’aube,
Ce sont tes ultimes modèles…
Ne ris pas du soir, ni des aubes !
Voici tes ultimes modèles ;
Ce livre endormi sur la table
Verra tes ultimes modèles,
Heureux sommeil du livre sur la table !
C’est peut-être ta vie…
Ce livre endormi sur la table,
Comme ta vie.
Des vieux poèmes,
Comme ta vie !
Voilà tout ton « art » poétique :
Des vieux poèmes.
Voilà tout ton « art » poétique,
Toutes tes joies vendues sur terre
– tout ton art poétique !
Mais toute joie vendue sur terre
Brisera celui qui pleure
Toutes ses joies vendues sur terre.
Les brisures de celui qui pleure
Les rires du soir, et les aubes,
Tout brisera celui qui pleure.
Les rires du soir et de l’aube,
Ce sont tes ultimes modèles…
Ne ris pas du soir, ni des aubes !
Voici tes ultimes modèles ;
Ce livre endormi sur la table
Verra tes ultimes modèles,
Heureux sommeil du livre sur la table !
C’est peut-être ta vie…
Ce livre endormi sur la table,
Comme ta vie.
Des vieux poèmes,
Comme ta vie !
Fonction du poète
Egaré parmi les décombres du jour,
Perdu dans un fouillis d’avenir,
Tête contre le mur
Le poète regarde la vie passée ;
Sans nostalgie, sans joie,
Sans même le désir de repartir,
Il se souvient ;
Il s’endort juste à y penser.
Et puis voilà la vie future !
En riant il prend garde à son empire :
Des années d’absence,
Qu’il n’osera jamais compter.
Et à quoi bon « vivre au jour le jour »
Si le futur n’est qu’un éclat de rire,
Et le passé l’indifférence,
Si le présent se cache, comme un poète blessé ;
Et à quoi bon exalter l’amour
Si le poète n’est qu’un éclat de rie,
Si le poète laisse indifférent,
Si le poète se cache, comme un lion blessé ?
Perdu dans un fouillis d’avenir,
Tête contre le mur
Le poète regarde la vie passée ;
Sans nostalgie, sans joie,
Sans même le désir de repartir,
Il se souvient ;
Il s’endort juste à y penser.
Et puis voilà la vie future !
En riant il prend garde à son empire :
Des années d’absence,
Qu’il n’osera jamais compter.
Et à quoi bon « vivre au jour le jour »
Si le futur n’est qu’un éclat de rire,
Et le passé l’indifférence,
Si le présent se cache, comme un poète blessé ;
Et à quoi bon exalter l’amour
Si le poète n’est qu’un éclat de rie,
Si le poète laisse indifférent,
Si le poète se cache, comme un lion blessé ?
Libre chute (parapente)
O, toi qui as donné à ma vie un autre horizon
que la mort,
qui m’as prouvé la monstruosité du passé,
Je n’éprouve plus pour toi de désir.
Je vis encore un moment où l’existence est devant moi.
Je suis en haut de la montagne et les plaines s’étendent doucement ;
La pente, trop abrupte pour que je me retourne, me précipite vers le vide.
Et si je veux aller plus loin je ne dois pas m’attarder.
Personne, pas même Dieu, ne souffrira, et tu ne pleureras qu’un soupir.
Amour ne signifie ni vie, ni mort mais abandon.
Je vais sans doute errer ; je suis libre.
Libres mon âme mon corps de se glisser dans la mascarade.
Et pas de choix à la légère !
Car je sais, moi que tout jusqu’au hasard m’a poussé en haut des falaises.
Ecoute.
Si tu le veux, laissons-nous une dernière fois imprégner par le même chant.
Le vent souffle dans mes voiles.
que la mort,
qui m’as prouvé la monstruosité du passé,
Je n’éprouve plus pour toi de désir.
Je vis encore un moment où l’existence est devant moi.
Je suis en haut de la montagne et les plaines s’étendent doucement ;
La pente, trop abrupte pour que je me retourne, me précipite vers le vide.
Et si je veux aller plus loin je ne dois pas m’attarder.
Personne, pas même Dieu, ne souffrira, et tu ne pleureras qu’un soupir.
Amour ne signifie ni vie, ni mort mais abandon.
Je vais sans doute errer ; je suis libre.
Libres mon âme mon corps de se glisser dans la mascarade.
Et pas de choix à la légère !
Car je sais, moi que tout jusqu’au hasard m’a poussé en haut des falaises.
Ecoute.
Si tu le veux, laissons-nous une dernière fois imprégner par le même chant.
Le vent souffle dans mes voiles.
Le rêve dans le pavillon rouge
L’empereur vivait depuis cinquante ans déjà. Il ne s’était attaché en rien aux immenses charges que lui aurait dû imposer sa puissance, mais jamais il ne réalisait un geste de monarque.
Il aimait à connaître la femme et, pour cette obsession, des émissaires sillonnaient l’empire, à la recherche de celle qui pouvait lui plaire, mais jamais ils ne rencontrèrent cette perle.
Tout se passait donc entre plaisir et amertume dans le palais, et le maître pleurait sa grandiose destinée :
« Rien n’est vrai. Aussi bien j’aurais pu combattre des milliers de peuples, agrandir mon domaine aux limites de l’horizon, que je n’aurais été heureux.
«Aussi bien puis-je chercher satisfaction dans le vie intime, que je n’y trouve que des ressorts usés, et des corps vieillis.
« Toutes les ressources de l’univers sont en ma main. Tout est possible. Mais rien n’est vrai. »
Il passait voir quelquefois ses jardins. Ils lui apportaient parfois un réconfort instable.
Le premier de tous semblait une grande plaine, dans laquelle tournaient de petites allées, et au centre de ces spirales un temple s’adressait à lui.
Le second simulait une forêt de bambou. Par épisodes, des ruisseaux le traversaient, et de vieux arbres s’y reflétaient.
Le troisième imitait le paradis. On avait donc pensé à une profusion de fleurs ; des oiseaux multicolores volaient dans ce monde silencieux.
Et au-delà s’étendaient tous les jardins du monde, nocturnes, sans fin envahis par une mélancolie naturelle. L’empereur y reprenait son souffle :
« Que me font ces plantes stupides ? Je pourrais toutes les abattre qu’elles ne m’apporteraient rien de plus. Je pourrais en planter millions d’autres, et journellement je serais malheureux. »
Alors il allait voir ses femmes. Elles avaient un palais à elles toutes seules, un palais silencieux, surélevé, et duquel on apercevait tout.
Celle qui lui plaisait le plus portait une petite tâche sur l’épaule droite, sombre, divisée en deux parties comme le monde.
Une autre avait un cheveu blond, et le jour où elle se le teint en rouge pour être aimée, elle fut renvoyée au monde extérieur.
Une autre encore tenait dans ses yeux noirs un point orange, comme un lac sur cette terre, et avait pour ordre de ne jamais battre d’un cil devant l’empereur.
Il les aimait pour leur beauté, pour leur amour, il les aurait adorées. Mais au bout du compte il regardait le cheveu, le point, comme des choses familières. Et rien ne l’étonnait plus.
Ailleurs, on le devinait dans les canaux des grandes villes, cherchant l’espoir parmi le désespoir, et réduisant sous son embarcation les calmes reflets.
Ailleurs, un temple l’observait gravement discourir de l’immortalité de l’âme, et tenir entre ses mains un mensonge.
Une vie d’ennui s’achevait pour lui. Une vie d’ennui commençait pour lui.
Il aimait à connaître la femme et, pour cette obsession, des émissaires sillonnaient l’empire, à la recherche de celle qui pouvait lui plaire, mais jamais ils ne rencontrèrent cette perle.
Tout se passait donc entre plaisir et amertume dans le palais, et le maître pleurait sa grandiose destinée :
« Rien n’est vrai. Aussi bien j’aurais pu combattre des milliers de peuples, agrandir mon domaine aux limites de l’horizon, que je n’aurais été heureux.
«Aussi bien puis-je chercher satisfaction dans le vie intime, que je n’y trouve que des ressorts usés, et des corps vieillis.
« Toutes les ressources de l’univers sont en ma main. Tout est possible. Mais rien n’est vrai. »
Il passait voir quelquefois ses jardins. Ils lui apportaient parfois un réconfort instable.
Le premier de tous semblait une grande plaine, dans laquelle tournaient de petites allées, et au centre de ces spirales un temple s’adressait à lui.
Le second simulait une forêt de bambou. Par épisodes, des ruisseaux le traversaient, et de vieux arbres s’y reflétaient.
Le troisième imitait le paradis. On avait donc pensé à une profusion de fleurs ; des oiseaux multicolores volaient dans ce monde silencieux.
Et au-delà s’étendaient tous les jardins du monde, nocturnes, sans fin envahis par une mélancolie naturelle. L’empereur y reprenait son souffle :
« Que me font ces plantes stupides ? Je pourrais toutes les abattre qu’elles ne m’apporteraient rien de plus. Je pourrais en planter millions d’autres, et journellement je serais malheureux. »
Alors il allait voir ses femmes. Elles avaient un palais à elles toutes seules, un palais silencieux, surélevé, et duquel on apercevait tout.
Celle qui lui plaisait le plus portait une petite tâche sur l’épaule droite, sombre, divisée en deux parties comme le monde.
Une autre avait un cheveu blond, et le jour où elle se le teint en rouge pour être aimée, elle fut renvoyée au monde extérieur.
Une autre encore tenait dans ses yeux noirs un point orange, comme un lac sur cette terre, et avait pour ordre de ne jamais battre d’un cil devant l’empereur.
Il les aimait pour leur beauté, pour leur amour, il les aurait adorées. Mais au bout du compte il regardait le cheveu, le point, comme des choses familières. Et rien ne l’étonnait plus.
Ailleurs, on le devinait dans les canaux des grandes villes, cherchant l’espoir parmi le désespoir, et réduisant sous son embarcation les calmes reflets.
Ailleurs, un temple l’observait gravement discourir de l’immortalité de l’âme, et tenir entre ses mains un mensonge.
Une vie d’ennui s’achevait pour lui. Une vie d’ennui commençait pour lui.
Le songe de Thoutmosis IV
Longtemps je t’ai cherché, dans le silence de la nuit ou du désert, quand tout s’effondre, quand tout disparaît. Je me mêlais aux statues ; au pied des sphinx, parmi les premières ruines j’étais Anubis le dieu d’ombre, désespérant de ne plus trouver ton image. Dans la lumière scintillaient mille fois tes regards, brûlants comme les feux au fond des temples, derrière les cataractes. Puis quand l’ombre gagnait les tombeaux, recouvrait les monuments – les animaux hurlaient, les oiseaux s’envolaient par-delà le Nil – et moi aussi je m’élançais vers toi.
Amon ! Amon ! La vie m’était cachée ; aux jours s’acharnaient les jours, et je perdais consistance, sans savoir, sans oser murmurer ton nom… Mais tu fis descendre l’amour sur moi, comme la promesse renouvelée du fleuve, et depuis lors j’erre au travers des pyramides, mon corps n’a ni remords, ni trêve, pour percer ton secret. Je m’aventure à l’extase de la vie, je me livre, je m’abandonne sous l’éternel sourire. Je suis mon cœur, et demain je le brûlerai.
De désespoir
Pourquoi toujours frapper à toutes les portes,
puisque le bonheur ne m’est pas destiné ;
Pourquoi chercher un esprit rare, subtil, et disparu à jamais ?
Pourquoi chercher à vivre si la vie erre sur d’autres visages ?
Elle, je l’aurais aimée comme le plus fou de tous les hommes,
et pour elle j’aurais ruiné toutes mes constructions
et je serais parti, sur les routes, avec elle.
Mais déjà l’espoir s’est éteint ;
là-bas le soleil n’est qu’une étincelle.
Au diable, où elle m’a laissé.
Là-bas ? Mais j’y cours à sa suite !
Pourvu que ce soit pour fuir mon désespoir,
je la suivrai dans les flammes de l’enfer.
Tu m’entends ? Je te suivrai jusqu’aux flammes de l’enfer !
puisque le bonheur ne m’est pas destiné ;
Pourquoi chercher un esprit rare, subtil, et disparu à jamais ?
Pourquoi chercher à vivre si la vie erre sur d’autres visages ?
Elle, je l’aurais aimée comme le plus fou de tous les hommes,
et pour elle j’aurais ruiné toutes mes constructions
et je serais parti, sur les routes, avec elle.
Mais déjà l’espoir s’est éteint ;
là-bas le soleil n’est qu’une étincelle.
Au diable, où elle m’a laissé.
Là-bas ? Mais j’y cours à sa suite !
Pourvu que ce soit pour fuir mon désespoir,
je la suivrai dans les flammes de l’enfer.
Tu m’entends ? Je te suivrai jusqu’aux flammes de l’enfer !
Chant (1)
Je suis fait pour le paradis.
Chante, tu m’en donneras un avant-goût ;
Chante, si je suis de nature divine !
Tu m’accompagneras là-haut.
J’irai en enfer. Ce sera bien fait pour moi.
Chante, si tu as pitié d’une petite âme !
Chante, au moins une voix ne disparaîtra pas ;
Ton souvenir ne brûlera pas dans leurs flammes.
Ton chant sera plus fort que l’enfer.
Ton chant résonnera jusqu’au ciel.
Enfer ? Ciel ?… et si tu étais Dieu ?
Chante, tu m’en donneras un avant-goût ;
Chante, si je suis de nature divine !
Tu m’accompagneras là-haut.
J’irai en enfer. Ce sera bien fait pour moi.
Chante, si tu as pitié d’une petite âme !
Chante, au moins une voix ne disparaîtra pas ;
Ton souvenir ne brûlera pas dans leurs flammes.
Ton chant sera plus fort que l’enfer.
Ton chant résonnera jusqu’au ciel.
Enfer ? Ciel ?… et si tu étais Dieu ?
Chant (2)
Paix. Miroir. Fluidité.
Coulent dans ce chant.
Doucement il s’abstrait
Et éloigne chaque élément.
________
C’est elle c’est la seconde qui chante,
Le hasard n’a plus droit sur nous.
Une musique prend sa pente
Et s’emporte en un cercle fou.
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Dans la nef bruissait la lumière.
Ta dernière note y est morte.
Si loin que je m’ouvre à la terre,
Je ne découvre que des portes.
Coulent dans ce chant.
Doucement il s’abstrait
Et éloigne chaque élément.
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C’est elle c’est la seconde qui chante,
Le hasard n’a plus droit sur nous.
Une musique prend sa pente
Et s’emporte en un cercle fou.
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Dans la nef bruissait la lumière.
Ta dernière note y est morte.
Si loin que je m’ouvre à la terre,
Je ne découvre que des portes.
Chant (4)
Elle est morte celle dont le chant
M’avais fait revivre une fois
Elle est partie laissant sourdre
En moi ce souvenir assoiffé.
Il n’est de poésie comme de vie
Que répétition.
Et moi, que deviendrai-je,
Désormais sans personne ?
Je suis mort avec elle.
Voilà qui sera risiblement dur pour la suite.
Voilà qui laissera de moi une moitié tranchée.
Voilà une fuite d’eau vive.
Dors, Dieu, dors tranquillement.
Epargne moi Isabel Bremen,
Laisse sa douce voix ravir nos pauvres âmes…
Même s’il n’y a qu’au ciel qu’elle a sa place.
M’avais fait revivre une fois
Elle est partie laissant sourdre
En moi ce souvenir assoiffé.
Il n’est de poésie comme de vie
Que répétition.
Et moi, que deviendrai-je,
Désormais sans personne ?
Je suis mort avec elle.
Voilà qui sera risiblement dur pour la suite.
Voilà qui laissera de moi une moitié tranchée.
Voilà une fuite d’eau vive.
Dors, Dieu, dors tranquillement.
Epargne moi Isabel Bremen,
Laisse sa douce voix ravir nos pauvres âmes…
Même s’il n’y a qu’au ciel qu’elle a sa place.
Chant (5)
Il y a un monde derrière ce chant.
Il y a un monde certes – mais ce chant !
Il y a une épaule, sa tête s’en échappe.
Il y a un chant, là-bas !…
Tremble, agite tes vagues, mer !
Donne au fond de la détresse
La détresse.
Lève-toi du bout de la terre…
Mon Dieu !
Est-il permis de chanter ainsi ?
Mon Dieu, pourquoi as-tu offert
A elle seule ce don
De chanter là-haut si clairement,
De donner à la joie sa joie,
De laisser les notes s’évader, hors d’elle,
Pour qu’elles s’enferment,
En mon bagne éternel.
Il y a un monde certes – mais ce chant !
Il y a une épaule, sa tête s’en échappe.
Il y a un chant, là-bas !…
Tremble, agite tes vagues, mer !
Donne au fond de la détresse
La détresse.
Lève-toi du bout de la terre…
Mon Dieu !
Est-il permis de chanter ainsi ?
Mon Dieu, pourquoi as-tu offert
A elle seule ce don
De chanter là-haut si clairement,
De donner à la joie sa joie,
De laisser les notes s’évader, hors d’elle,
Pour qu’elles s’enferment,
En mon bagne éternel.
Chant (6)
Prends ce chant mon vieux,
C’est tout ce qu’il te reste,
Tout ce qu’il te reste de ta vie passée,
Honteusement gâchée hors de ce chant.
Jamais tu n’as vécu
Plus intensément, jamais tu n’as vécu.
Prends ce chant – te dis-je –,
C’est ta dernière chance
De t’ouvrir au monde infini,
De devenir enfin l’infini !
C’est tout ce qu’il te reste,
Tout ce qu’il te reste de ta vie passée,
Honteusement gâchée hors de ce chant.
Jamais tu n’as vécu
Plus intensément, jamais tu n’as vécu.
Prends ce chant – te dis-je –,
C’est ta dernière chance
De t’ouvrir au monde infini,
De devenir enfin l’infini !
Chant (7)
J’ai célébré ton chant.
Je l’ai chéri dans mon cœur,
jusqu’à l’en trop serrer.
Aujourd’hui il est mort.
J’ai aimé ton chant plus que moi-même,
Et, à travers lui, c’est toi,
que j’ai aimée, plus que moi-même.
Aujourd’hui tu es morte.
Il ne reste plus rien de ton chant ;
Je célèbre les choses mortes ;
c’est mon rôle de poète.
Ah ! Si comme tout je pouvais mourir !
Je l’ai chéri dans mon cœur,
jusqu’à l’en trop serrer.
Aujourd’hui il est mort.
J’ai aimé ton chant plus que moi-même,
Et, à travers lui, c’est toi,
que j’ai aimée, plus que moi-même.
Aujourd’hui tu es morte.
Il ne reste plus rien de ton chant ;
Je célèbre les choses mortes ;
c’est mon rôle de poète.
Ah ! Si comme tout je pouvais mourir !
Prière
Profondeur de la nuit !
Profondeur du ciel au parfum d’étoiles !
C’est le parfum des plantes qui respirent
Et de l’eau qui s’écoule hors les rigoles,
Au bord du fleuve.
Miroir anxieux de mes rêves !
O nuit sans pareille et pourtant imperturbable dans l’univers
– Nouvelle angoisse…
C’est le bruit d’un chien sur l’autre berge,
C’est le cri d’un oiseau.
Et j’ai beau me savoir seul sur terre,
Condamné à être seul sur terre ô nuit
Penchante comme mon cœur instable,
Constante comme mon passé pierreux,
Quelle est cette lueur qui court dans la forêt ?
C’est le matin ! C’est le matin maudit
Tocsin d’un nouveau jour.
O nuit, enveloppe-moi tout au fond de ton ombre ;
Préserve-moi de la lumière !
Préserve-moi de l’amour !
Profondeur du ciel au parfum d’étoiles !
C’est le parfum des plantes qui respirent
Et de l’eau qui s’écoule hors les rigoles,
Au bord du fleuve.
Miroir anxieux de mes rêves !
O nuit sans pareille et pourtant imperturbable dans l’univers
– Nouvelle angoisse…
C’est le bruit d’un chien sur l’autre berge,
C’est le cri d’un oiseau.
Et j’ai beau me savoir seul sur terre,
Condamné à être seul sur terre ô nuit
Penchante comme mon cœur instable,
Constante comme mon passé pierreux,
Quelle est cette lueur qui court dans la forêt ?
C’est le matin ! C’est le matin maudit
Tocsin d’un nouveau jour.
O nuit, enveloppe-moi tout au fond de ton ombre ;
Préserve-moi de la lumière !
Préserve-moi de l’amour !
Je suis déjà pourtant si vieux
Pourtant si laid pourtant si triste
A mon image
Je n’échange jamais un sourire.
Plus j’avance plus je recule
Plus je fuis et plus je m’enferme
Comme un insecte
Et tout se cogne à s’étourdir.
Mais si lune et soleil existent
Ainsi qu’espoir ainsi que Dieu
Et l’âme infecte ;
Alors je voudrais m’éblouir,
Mettre vague et creux à leur terme
Finir la vie atroce et nulle…
Affreux voyage !
Et n’oublie plus jamais de mourir.
Pourtant si laid pourtant si triste
A mon image
Je n’échange jamais un sourire.
Plus j’avance plus je recule
Plus je fuis et plus je m’enferme
Comme un insecte
Et tout se cogne à s’étourdir.
Mais si lune et soleil existent
Ainsi qu’espoir ainsi que Dieu
Et l’âme infecte ;
Alors je voudrais m’éblouir,
Mettre vague et creux à leur terme
Finir la vie atroce et nulle…
Affreux voyage !
Et n’oublie plus jamais de mourir.
Destin (1)
Tu es réticent à la vie
Comme un enfant craindrait la mort
Tu t’éloignes
Tu évites cette aiguille brûlante
Tu n’oses avancer d’un pas et tu ne peux plus reculer…
Mais échappe-toi !
La vie ne t’a-t-elle pas donné pour la rejoindre
Une échelle nommée travail
Et une corde
Si tu t’agrippes à chaque instant
Qui s’appelle la poésie ?
Comme un enfant craindrait la mort
Tu t’éloignes
Tu évites cette aiguille brûlante
Tu n’oses avancer d’un pas et tu ne peux plus reculer…
Mais échappe-toi !
La vie ne t’a-t-elle pas donné pour la rejoindre
Une échelle nommée travail
Et une corde
Si tu t’agrippes à chaque instant
Qui s’appelle la poésie ?
Destin (2)
Je me dis toujours partant pour des courses immenses
Et capable comme Colomb de toucher le vide
J’avance droit sans jamais connaître mon but
Hélas
Il n’est pas d’endroit où je pourrai jeter l’ancre
Il n’existe pas d’île où mon bonheur pourrait se réfugier
Au fond de la tranquillité – perdue peut-être
Hélas
J’ai cru un jour en l’amour
A moi aussi ce charlatan présenta son eau-de-vie
Qu’on dit l’essence même le charbon du poète
Hélas
La poésie – Elle aussi m’a giflé en plein cœur
En ses glaces aussi je me suis jeté
Naïf charmant fier et comme aveuglé par mon orgueil
Hélas
Dieu a brillé dans cet étrange paradis
Chaque chose aurait pu sembler faite de sa main
Mais je regarde le ciel et il reste bleu
Hélas
La joie de la nature le drame du printemps
Ne m’auront enchanté qu’une seconde
Et ma fureur s’accroît lors de sa renaissance hélas
Hélas
Le temps tourne et l’ouragan passe
Libérant ces gouttes venant de pays qui ne me verront jamais que je balaierai
Un vent souffle emportant mon dernier crachat – mais je reste
Heureusement.
Et capable comme Colomb de toucher le vide
J’avance droit sans jamais connaître mon but
Hélas
Il n’est pas d’endroit où je pourrai jeter l’ancre
Il n’existe pas d’île où mon bonheur pourrait se réfugier
Au fond de la tranquillité – perdue peut-être
Hélas
J’ai cru un jour en l’amour
A moi aussi ce charlatan présenta son eau-de-vie
Qu’on dit l’essence même le charbon du poète
Hélas
La poésie – Elle aussi m’a giflé en plein cœur
En ses glaces aussi je me suis jeté
Naïf charmant fier et comme aveuglé par mon orgueil
Hélas
Dieu a brillé dans cet étrange paradis
Chaque chose aurait pu sembler faite de sa main
Mais je regarde le ciel et il reste bleu
Hélas
La joie de la nature le drame du printemps
Ne m’auront enchanté qu’une seconde
Et ma fureur s’accroît lors de sa renaissance hélas
Hélas
Le temps tourne et l’ouragan passe
Libérant ces gouttes venant de pays qui ne me verront jamais que je balaierai
Un vent souffle emportant mon dernier crachat – mais je reste
Heureusement.
Destin (3)
Deux hommes pendus à la même corde
Sur la plaine silencieuse du nord
Ferment les croisées des chemins de terre
Où sept routes se sont éparpillées.
La première est un présent de Dieu la plus large
Elle va loin saluée par un bois de peupliers
Qui regardent le ciel qu’ils n’atteindront jamais
La route s’y mêle sans en sortir
La deuxième zigzague entre des trous de taupes
Qui lui semblent d’imposantes montages
Avec ces décevants sommets
La route se confond et disparaît dans l’inconnu
La troisième semble très droite
Et blanche avec des cailloux foulés et refoulés
Polis comme des galets mais un angle l’emporte
La route s’arque et disparaît dans son imperfection
La quatrième pourrait être noble et belle et héroïque
Tellement irréprochable qu’elle en guérit les autres
La seule joie de ce carrefour désert
Qui forme un cercle et tourne sans fin
La cinquième surveille les six ou sept routes
Elle surmonte deux rangées de mauvaises herbes
Mais comme arrivée en haut d’une falaise
La route s’effondre et nul ne sait plus l’avenir
La sixième ne fait que descendre
C’est l’amie des grands fonds, des abîmes d’espoir
L’enfer de l’ordre et du désordre elle connaît
Mais de futur la route n’a jamais entendu parler
La septième n’existe pas
Oui c’est un rêve inachevé
Elle s’arrête là se mélange un peu au sol
La dernière route est la plus belle.
C’est un destin toujours caché
C’est un chant qui se tait dès la première note
Une coïncidence triste une courte aventure
Deux hommes pendus à la même corde.
Vive la vie ! Vive le monde !
Sur la plaine silencieuse du nord
Ferment les croisées des chemins de terre
Où sept routes se sont éparpillées.
La première est un présent de Dieu la plus large
Elle va loin saluée par un bois de peupliers
Qui regardent le ciel qu’ils n’atteindront jamais
La route s’y mêle sans en sortir
La deuxième zigzague entre des trous de taupes
Qui lui semblent d’imposantes montages
Avec ces décevants sommets
La route se confond et disparaît dans l’inconnu
La troisième semble très droite
Et blanche avec des cailloux foulés et refoulés
Polis comme des galets mais un angle l’emporte
La route s’arque et disparaît dans son imperfection
La quatrième pourrait être noble et belle et héroïque
Tellement irréprochable qu’elle en guérit les autres
La seule joie de ce carrefour désert
Qui forme un cercle et tourne sans fin
La cinquième surveille les six ou sept routes
Elle surmonte deux rangées de mauvaises herbes
Mais comme arrivée en haut d’une falaise
La route s’effondre et nul ne sait plus l’avenir
La sixième ne fait que descendre
C’est l’amie des grands fonds, des abîmes d’espoir
L’enfer de l’ordre et du désordre elle connaît
Mais de futur la route n’a jamais entendu parler
La septième n’existe pas
Oui c’est un rêve inachevé
Elle s’arrête là se mélange un peu au sol
La dernière route est la plus belle.
C’est un destin toujours caché
C’est un chant qui se tait dès la première note
Une coïncidence triste une courte aventure
Deux hommes pendus à la même corde.
Vive la vie ! Vive le monde !
Destin (4)
Tu auras la plus belle vie
Remplie de ces gens inconnus, de ces surprises
Tes rêves se noieront dans la vérité
Et la vérité sera sublime.
Tu vivras HEUREUX très longtemps
Sans te lasser, sans t’endormir
Père entouré de ses enfants
La tombe n’apparaîtra qu’un tranquille port.
Tu connaîtras toutes les joies
Tous les amours comblés
La poésie deviendra ton vaisseau, ton support
Ton amie.
Tu verras enfin la beauté de l’univers
Oui, tu viendras jusques ici !
Mais tu n’iras pas plus loin
Et là s’arrêteront tes orgueilleuses lames
Ton orgueilleux destin.
Remplie de ces gens inconnus, de ces surprises
Tes rêves se noieront dans la vérité
Et la vérité sera sublime.
Tu vivras HEUREUX très longtemps
Sans te lasser, sans t’endormir
Père entouré de ses enfants
La tombe n’apparaîtra qu’un tranquille port.
Tu connaîtras toutes les joies
Tous les amours comblés
La poésie deviendra ton vaisseau, ton support
Ton amie.
Tu verras enfin la beauté de l’univers
Oui, tu viendras jusques ici !
Mais tu n’iras pas plus loin
Et là s’arrêteront tes orgueilleuses lames
Ton orgueilleux destin.
Destin (5)
Espaces vides
Espaces libres
O vous mes plusieurs destins
Laissez-moi vous conquérir
Et je vous suivrai
Jusqu’au dernier espace vide
Jusqu’au dernier espace libre !
Espaces libres
O vous mes plusieurs destins
Laissez-moi vous conquérir
Et je vous suivrai
Jusqu’au dernier espace vide
Jusqu’au dernier espace libre !
Je m’en vais
Je n’irai plus dans ton domaine.
Nous ne foulerons plus les feuilles
Des bois dont tu étais la reine
Par amour, non par orgueil.
L’arbre crie sa plainte sereine ;
Peu lui importe notre deuil ;
Qu’importe si je fuis ma chaîne,
Par amour, non par orgueil.
Et chaque minute en plus traîne
Notre bonheur jusqu’au cercueil.
S’il le faut, quittons-nous sans haine,
Par amour, non par orgueil.
Je m’en vais. Une larme draine
Ma petite vie jusqu’au seuil –
Qu’elle coule en mon cœur de peine
Par amour, non par orgueil !
Nous ne foulerons plus les feuilles
Des bois dont tu étais la reine
Par amour, non par orgueil.
L’arbre crie sa plainte sereine ;
Peu lui importe notre deuil ;
Qu’importe si je fuis ma chaîne,
Par amour, non par orgueil.
Et chaque minute en plus traîne
Notre bonheur jusqu’au cercueil.
S’il le faut, quittons-nous sans haine,
Par amour, non par orgueil.
Je m’en vais. Une larme draine
Ma petite vie jusqu’au seuil –
Qu’elle coule en mon cœur de peine
Par amour, non par orgueil !
O Lendemains !
Désespoir.
Promesse mal cachée d’un avenir atroce !
Longtemps j’ai recherché en vous
La jouvence de mon âme,
Le baume de mon cœur avorté,
Le réconfort de mon existence.
O Lendemains !
Je ne sais pas pour quelle fête vous m’habillez,
Ni pour quel deuil vos nuages gris s’empressent.
Je sais juste que des hommes ont demandé la lune,
Et l’ont obtenue.
O Lendemains !
Pâle lumière.
Les nuages ne me disent pas si le soleil s’est levé,
L’aube est grise.
(Que m’importe l’aube ?)
Désespoir.
Promesse mal cachée d’un avenir atroce !
Longtemps j’ai recherché en vous
La jouvence de mon âme,
Le baume de mon cœur avorté,
Le réconfort de mon existence.
O Lendemains !
Je ne sais pas pour quelle fête vous m’habillez,
Ni pour quel deuil vos nuages gris s’empressent.
Je sais juste que des hommes ont demandé la lune,
Et l’ont obtenue.
O Lendemains !
Pâle lumière.
Les nuages ne me disent pas si le soleil s’est levé,
L’aube est grise.
(Que m’importe l’aube ?)
Printemps (1)
Tremble, jeune fougère ballottée par le vent du Nord, désiré, aux combles d’une joie toute arborescente. Tu élèves tes feuilles au ciel, puis retombes dans la terre, dans les feuilles mortes. Souviens-toi, quand tu étais une graine parmi d’autres, élancée dans l’air comme les blés du matin, comme les fleurs – pourquoi être devenue ainsi, et tu te bats dans la boue, pour prendre cette lumière que te cachent les grands arbres ? Tu étais bien fière alors, la nature ne pouvait t’atteindre ; tu vivais, pour être l’étoile filante d’un moment, le jeune « premier » qui tente sa chance, et qu’on n’entendra jamais, tu étais la vie microscopique, la joie dans une poussière ; qu’es tu devenue ? Oh bien sûr j’entends ta réponse « pire ailleurs pas la seule pas si mal » – et de quoi peux-tu te réjouir : ta beauté qui n’est que pour quelques fous, ou pour les rêveurs de quelques pays lointains ? La forêt dans laquelle tu crois évoluer, si sombre si sauvage, l’élément des métaphores ?
Vis en style ! Si c’est là tout ce que tu peux faire, prends-toi pour la plante qu’on va cueillir dans les bois l’après-midi, et qu’un amoureux fou mâchonne en pensant que lui aussi, c’est son tour d’aimer, c’est son tour d’oser prendre place parmi les autres, et que personne ne rejoindra. Soit, prends-toi pour l’épice que l’osmologue renifle avec des yeux pleins de tendresse, et qui disparaît dans la bouche des profanes – sans leur faire aucun effet ! Si tu pouvais jouer à l’edelweiss imprenable, sur un sommet où la boue est blanche et scintillante dans les derniers rayons du crépuscule. Immensité du rêve ! Tu te lèves déjà, tu aspires l’atmosphère divin, tu sens la joie du sapin qui ne reverra plus l’hiver, l’ivresse du soleil de l’éclipse, débarrassé un instant de la vue du monde. Ah si comme lui tu pouvais renaître un matin plus beau, un jour sans nuages. Mais à quoi servent ces plaintes que tu continueras de ruminer, ces espoirs auxquels tu n’as pas su dire « c’est moi, attendez-moi ! »
Pas de répit, ballottées par le vent du Nord, tes graines tremblent et s’envolent, au comble d’une joie toute arborescente, sans passé ni futur, sans désir de rester, sans raison d’être, comme la paix sur le monde !
Printemps (2)
Tremble, fleur du printemps, sise sur l’arbre aux mille couleurs, lumineuse. Le religieux et le savant te regardent comme le sommet de la splendeur, et tu t’élances dans ton rêve, sans regarder la terre qui te porte aujourd’hui, mais qui bientôt ne te connaîtra plus. Le vent du Sud emmène les poussières, les sables ; et toi aussi, sais-tu quel est ton but ? Je devine déjà : « Rendre les hommes joyeux, éveiller un soupçon d’espoir » – c’était écrit, et tu te dois d’obéir… ah ! échapper à son destin ! Ne plus avoir qu’à vivre, sans donner la vie, rester dans la pureté de ces jours mielleux. Chacun t’observe, chacun t’entoure comme la promesse d’une paix sur le monde, d’un pas vers l’âge d’or. Trouve donc un sosie, la fleur en plastique dans un jouet d’enfant, ne meurs jamais ! Ou bien envie la fougère, au vent du Nord, la sombre fougère !… Ne pas attirer l’attention ! Ne plus être différent et éphémère ! C’est tout ton rêve, ton désir, mais désespérée parmi les sans-espoirs, éveillée parmi l’ivresse des autres, où trouver le bonheur ?
Vis médiocrement ! Fleur en plastique, fougère, l’avenir te tend les bras ! Sois, la graine qui sommeille un siècle sous la terre, et qui ne fleurira jamais. Ne te bats plus pour des honneurs, ne cherche plus à donner la joie, c’est peine perdue. Souviens-toi de qui tu es… puis oublie-toi ! Prends-toi, pour la pousse qui s’élève courageuse dans la pénombre et qu’un animal arrache, pour l’herbe des savanes que les grands troupeaux écrasent chaque saison. Différence ! Différence ! Ne plus avoir à subir ton destin, mais t’imaginer, l’ortie dans le jardin des rois, sur laquelle une princesse fatiguée posera la main ; sois la mauvaise herbe, comme les autres ! Mais à quoi bon ces espoirs, quand tu sais déjà fort bien le nuage d’admiration qui te berce, le sentier de joie qui t’attend ?
Peine perdue ! Sur ta branche naissent mille fleurs de printemps, dans l’éclatement des premiers jours, lumineuses. Elles surgissent là où on les attendait, avec un but bien précis, par milliers, comme autant de guerres sur le monde !
Traversée (Automne)
La feuille tombe lentement,
Sans se presser, comme une danse,
L’inconnu où elle s’élance
Lui semble le plus bel amant.
Je suis entré dans l’existence
Comme un oiseau dans un palais,
Si beau, si joyeux, et si gai,
Qu’elle m’en chanta l’espérance.
Elle cambre, hautaine, le blé
De ses nervures enfantines,
Et suit mollement la comptine
Où elle joue son doux ballet.
J’ai ri parmi les crinolines
Des rondes d’oubliés matins :
Les chemins, embaumés de thym,
Parlaient de si fraîches collines !
La jeune feuille aux yeux éteints
Lève vers les cieux son visage ;
Enfer ! L’en deçà, les branchages,
Sont à mesure plus lointains.
Le temps gronde et fait son passage
Longuement, dans la nuit sans fond.
Le seul vieux feu qui s’y morfond,
Le souvenir, n’est qu’un mirage.
Les vents qui font et qui défont
L’autre, l’espoir, et les écueils,
Soufflent sur cet esprit en deuil,
Là-haut, qui vole, au ciel profond.
J’ai cru sortir de mon cercueil
Quand la vie m’offrit son repas,
Et me montra, devant mes pas,
L’avenir pur, comme un recueil !
Ce vol rêvé est un appât,
Un plongeon sans joie, un sommeil.
Il n’y aura plus de merveilles.
Les feuilles mortes n’y croient pas.
Bientôt je perdrai mes soleils ;
Demain finira mon roman.
Riez ! Je partirai gaiement,
Seul, enfin, libre pour l’éveil !
Sans se presser, comme une danse,
L’inconnu où elle s’élance
Lui semble le plus bel amant.
Je suis entré dans l’existence
Comme un oiseau dans un palais,
Si beau, si joyeux, et si gai,
Qu’elle m’en chanta l’espérance.
Elle cambre, hautaine, le blé
De ses nervures enfantines,
Et suit mollement la comptine
Où elle joue son doux ballet.
J’ai ri parmi les crinolines
Des rondes d’oubliés matins :
Les chemins, embaumés de thym,
Parlaient de si fraîches collines !
La jeune feuille aux yeux éteints
Lève vers les cieux son visage ;
Enfer ! L’en deçà, les branchages,
Sont à mesure plus lointains.
Le temps gronde et fait son passage
Longuement, dans la nuit sans fond.
Le seul vieux feu qui s’y morfond,
Le souvenir, n’est qu’un mirage.
Les vents qui font et qui défont
L’autre, l’espoir, et les écueils,
Soufflent sur cet esprit en deuil,
Là-haut, qui vole, au ciel profond.
J’ai cru sortir de mon cercueil
Quand la vie m’offrit son repas,
Et me montra, devant mes pas,
L’avenir pur, comme un recueil !
Ce vol rêvé est un appât,
Un plongeon sans joie, un sommeil.
Il n’y aura plus de merveilles.
Les feuilles mortes n’y croient pas.
Bientôt je perdrai mes soleils ;
Demain finira mon roman.
Riez ! Je partirai gaiement,
Seul, enfin, libre pour l’éveil !
Tristesse de Charon (Hiver)
Le jour est éternel, et la pensée est fixe.
Depuis mille ans déjà je chante mon chagrin,
Depuis mille ans déjà, prisonnier du Styx,
Le mal qui me tourmente a des froideurs d’airain.
Du côté le plus clair, la vie balaie vers moi,
Comme le mer libère aussi ses coquillages,
Des flots d’humains pleurant ce soleil qui se noie,
Sans savoir où l’emmène un aussi beau voyage.
Sur l’autre rive, ornée de brouillards immortels,
La mort me vole, hélas, les passants de la nuit,
Et je sais que chaque être, aux yeux gorgés de sel,
Part, pour ne plus revoir la clarté qui l’ennuie.
Je guide l’amoureux du calme et de la paix
Au pays silencieux de la divine table,
Où l’homme sans douleur et sans mal se repaît ;
Je passe de la lueur à l’ombre insoutenable.
Mais déchirée, toujours! comme une pauvre terre
Que la pierre sillonne en plis droits et profonds,
Mon âme se débat et se mêle à l’enfer ;
Mon inutile esprit, près de moi se morfond.
J’erre ainsi, comme un dieu plein de mélancolie,
Dans un monde éclairé d’implacables nuances,
Oh ! Quand pourrai-je enfin m’enivrer à la lie,
Quitter ce long sommeil, replonger dans l’enfance ?
Oui, là, je partirai, je laisserai ma barque !
J’aimerai tout. La vie me tend d’immenses bras !
Qu’importe l’horizon, le ciel, la mer, les parques ?
L’aube présage bien la splendeur qui naîtra.
Abandonner la peine, exister, et aimer !
Ainsi qu’un jeune oiseau, frais descendu de l’arbre,
Je m’élance dans mon délire désarmé :
Tout s’embellit, tout brille et luit, rien n’est de marbre !
Hélas, je ne puis pas me comporter en traître,
Et tout lâcher pour fuir un azur moins affreux ;
Pluton, le délaissé, mon regrettable maître,
M’a fait obéissant quand il m’a su peureux.
Il n’y a plus de soleil, il n’y a plus rien de beau.
Le jour se mêle au deuil des nuits sans plus finir.
L’aube ne peut m’aider à creuser mon tombeau ?
Et je ne peux partir, et je ne peux mourir.
Tant pis, s’il faut rester, affronter l’esclavage.
Je n’aurai jamais dû boire cette ambroisie…
Aucun homme ne peut se plaire dans l’orage :
J’y vis, et de mon mal nul ne me dessaisit.
Ami ! Tu me verras traverser tristement
Ces eaux qui sans cesse ont bercé ton existence ;
Oublie ce que tu sais, mes antiques serments,
Je ne veux plus rêver de vaines renaissances.
Ami, je ne serai jamais le vrai passeur !
Je ne me croirai plus porté par quatre vents !
Et puisque j’attendrai d’interminables heures,
Tout ce qu’on dira mort pour moi sera vivant.
Depuis mille ans déjà je chante mon chagrin,
Depuis mille ans déjà, prisonnier du Styx,
Le mal qui me tourmente a des froideurs d’airain.
Du côté le plus clair, la vie balaie vers moi,
Comme le mer libère aussi ses coquillages,
Des flots d’humains pleurant ce soleil qui se noie,
Sans savoir où l’emmène un aussi beau voyage.
Sur l’autre rive, ornée de brouillards immortels,
La mort me vole, hélas, les passants de la nuit,
Et je sais que chaque être, aux yeux gorgés de sel,
Part, pour ne plus revoir la clarté qui l’ennuie.
Je guide l’amoureux du calme et de la paix
Au pays silencieux de la divine table,
Où l’homme sans douleur et sans mal se repaît ;
Je passe de la lueur à l’ombre insoutenable.
Mais déchirée, toujours! comme une pauvre terre
Que la pierre sillonne en plis droits et profonds,
Mon âme se débat et se mêle à l’enfer ;
Mon inutile esprit, près de moi se morfond.
J’erre ainsi, comme un dieu plein de mélancolie,
Dans un monde éclairé d’implacables nuances,
Oh ! Quand pourrai-je enfin m’enivrer à la lie,
Quitter ce long sommeil, replonger dans l’enfance ?
Oui, là, je partirai, je laisserai ma barque !
J’aimerai tout. La vie me tend d’immenses bras !
Qu’importe l’horizon, le ciel, la mer, les parques ?
L’aube présage bien la splendeur qui naîtra.
Abandonner la peine, exister, et aimer !
Ainsi qu’un jeune oiseau, frais descendu de l’arbre,
Je m’élance dans mon délire désarmé :
Tout s’embellit, tout brille et luit, rien n’est de marbre !
Hélas, je ne puis pas me comporter en traître,
Et tout lâcher pour fuir un azur moins affreux ;
Pluton, le délaissé, mon regrettable maître,
M’a fait obéissant quand il m’a su peureux.
Il n’y a plus de soleil, il n’y a plus rien de beau.
Le jour se mêle au deuil des nuits sans plus finir.
L’aube ne peut m’aider à creuser mon tombeau ?
Et je ne peux partir, et je ne peux mourir.
Tant pis, s’il faut rester, affronter l’esclavage.
Je n’aurai jamais dû boire cette ambroisie…
Aucun homme ne peut se plaire dans l’orage :
J’y vis, et de mon mal nul ne me dessaisit.
Ami ! Tu me verras traverser tristement
Ces eaux qui sans cesse ont bercé ton existence ;
Oublie ce que tu sais, mes antiques serments,
Je ne veux plus rêver de vaines renaissances.
Ami, je ne serai jamais le vrai passeur !
Je ne me croirai plus porté par quatre vents !
Et puisque j’attendrai d’interminables heures,
Tout ce qu’on dira mort pour moi sera vivant.
Révolution (Printemps)
Demain tu partiras,
Tu finiras ta ronde.
Ton regard s’étendra
Jusqu’aux confins du monde.
Quand sur la ville entière
Montera le vieux soir –
Sur les toits la lumière
Jouera son chant d’espoir.
Enfin un peu d’honneur !
– Et la paix sur ton âme –
Avec un nouveau cœur,
Au fond d’un nouveau drame,
Demain soir tu iras
Par-delà cette porte :
Ton destin s’y jouera.
L’enfance sera morte.
Libéré du passé !
Sans plus aucune trace
Des peurs qui te pressaient…
Le monde est ton espace ;
C’est une nouvelle ère.
C’est l’idée du bonheur.
C’est l’ivresse éphémère
D’un éternel menteur !
Souviens-toi de cette heure
Qui s’achève pour toi,
La minute sans pleurs…
Tu vivais dans la joie.
La vie gardait, cachée,
De mystérieux trésors ;
Et vibrait en secret
La renaissance ! Encore !
Traître à la nouvelle ère,
Te revoici au sol,
Ni mort, ni libre, et fier
De ta nouvelle geôle !
Mais si tu veux défendre,
Et faire les récoltes
Des jours partis en cendres,
D’une heure de révolte,
Rien ne reste, hors l’horreur
D’une mort solitaire.
« Il fallait » – alors pleure
Ton souvenir amer…
« Il fallait » – et ta vie
Continuera ses rondes.
Et pour toi point d’abri,
Fût-ce aux confins du monde !
Tu finiras ta ronde.
Ton regard s’étendra
Jusqu’aux confins du monde.
Quand sur la ville entière
Montera le vieux soir –
Sur les toits la lumière
Jouera son chant d’espoir.
Enfin un peu d’honneur !
– Et la paix sur ton âme –
Avec un nouveau cœur,
Au fond d’un nouveau drame,
Demain soir tu iras
Par-delà cette porte :
Ton destin s’y jouera.
L’enfance sera morte.
Libéré du passé !
Sans plus aucune trace
Des peurs qui te pressaient…
Le monde est ton espace ;
C’est une nouvelle ère.
C’est l’idée du bonheur.
C’est l’ivresse éphémère
D’un éternel menteur !
Souviens-toi de cette heure
Qui s’achève pour toi,
La minute sans pleurs…
Tu vivais dans la joie.
La vie gardait, cachée,
De mystérieux trésors ;
Et vibrait en secret
La renaissance ! Encore !
Traître à la nouvelle ère,
Te revoici au sol,
Ni mort, ni libre, et fier
De ta nouvelle geôle !
Mais si tu veux défendre,
Et faire les récoltes
Des jours partis en cendres,
D’une heure de révolte,
Rien ne reste, hors l’horreur
D’une mort solitaire.
« Il fallait » – alors pleure
Ton souvenir amer…
« Il fallait » – et ta vie
Continuera ses rondes.
Et pour toi point d’abri,
Fût-ce aux confins du monde !
Les graines (Eté)
Allez ! Semez ma propre vie !
Je vous ai portées dans mes branches,
Comme un homme sa poésie,
Comme un livre ses pages blanches.
Partez ! Percez ce ciel défunt :
Je m’abandonne sans tristesse.
Ces fruits dont je n’ai pas eu faim…
Adieu ! Adieu, je vous les laisse !
La vie vous sera grande ouverte
Pour que vous vous y essouffliez,
Pour rêver votre espoir inerte,
Pour que mes cris soient oubliés.
Allez ! Déjouez ce vice pur !
Demain, demain aux doigts de fée,
Elèvera vers cet azur,
Votre espérance empoisonnée ;
Ou chantez l’évitable faune
S’approprier tous vos destins,
Chantez ! Brisez ce cœur si jaune
En mille éclats d’avance éteints ;
Ou si l’homme croit vous aimer,
S’il se complait dans votre flamme…
Alors chassez l’affreux baiser,
Fuis ses chaînes ! Fuis ! Fuis son âme !
Peut-être, après un long voyage,
Arrivera la fleur, l’amant ;
Peut-être après un long carnage,
Serez-vous maître d’un instant ?
Envolez-vous ! Envolez-vous !
Aucun de vos sorts n’est enviable !
Vos fils paraîtront des cailloux ;
Vos désirs une barque instable.
Vous grandirez dans cette terre,
Le ciel vous vendra ses présents,
Vous fanerez tels un mystère,
Tels des échos, tels des brisants.
Mais copiez votre mélodie
Sur la douleur de vos aïeux ;
Allez semer ma propre vie,
Adieu, – souvenez vous ! – Adieu !
________
Mal-vivants ! Toujours, mal-vivants !
Tu t’emprisonnes je me tue !
Elance-toi ! Va t’en ! Cours ! Mens !
En passant ma plainte pendue.
Je vous ai portées dans mes branches,
Comme un homme sa poésie,
Comme un livre ses pages blanches.
Partez ! Percez ce ciel défunt :
Je m’abandonne sans tristesse.
Ces fruits dont je n’ai pas eu faim…
Adieu ! Adieu, je vous les laisse !
La vie vous sera grande ouverte
Pour que vous vous y essouffliez,
Pour rêver votre espoir inerte,
Pour que mes cris soient oubliés.
Allez ! Déjouez ce vice pur !
Demain, demain aux doigts de fée,
Elèvera vers cet azur,
Votre espérance empoisonnée ;
Ou chantez l’évitable faune
S’approprier tous vos destins,
Chantez ! Brisez ce cœur si jaune
En mille éclats d’avance éteints ;
Ou si l’homme croit vous aimer,
S’il se complait dans votre flamme…
Alors chassez l’affreux baiser,
Fuis ses chaînes ! Fuis ! Fuis son âme !
Peut-être, après un long voyage,
Arrivera la fleur, l’amant ;
Peut-être après un long carnage,
Serez-vous maître d’un instant ?
Envolez-vous ! Envolez-vous !
Aucun de vos sorts n’est enviable !
Vos fils paraîtront des cailloux ;
Vos désirs une barque instable.
Vous grandirez dans cette terre,
Le ciel vous vendra ses présents,
Vous fanerez tels un mystère,
Tels des échos, tels des brisants.
Mais copiez votre mélodie
Sur la douleur de vos aïeux ;
Allez semer ma propre vie,
Adieu, – souvenez vous ! – Adieu !
________
Mal-vivants ! Toujours, mal-vivants !
Tu t’emprisonnes je me tue !
Elance-toi ! Va t’en ! Cours ! Mens !
En passant ma plainte pendue.
Seither
Depuis des années que je vois
Tomber morte ma vie future
Depuis le temps que sans l’oubli
On m’a posé sur cette scène
Depuis que sur l’ardente vie
S’est fait place l’ardente mort
Depuis des mois qu’ivrement triste
Je laisse se fermer le piège
Depuis qu’en rêve j’ai pensé
Rire et croire en l’amour des autres
Depuis que par un jour d’automne
J’ai fracassé tout l’avenir
Depuis que toujours à genoux
Je n’ai pas su lever la tête
Depuis que dans le désespoir
Dans l’horreur je me suis donné
Depuis l’éternité, je suis heureux.
Tomber morte ma vie future
Depuis le temps que sans l’oubli
On m’a posé sur cette scène
Depuis que sur l’ardente vie
S’est fait place l’ardente mort
Depuis des mois qu’ivrement triste
Je laisse se fermer le piège
Depuis qu’en rêve j’ai pensé
Rire et croire en l’amour des autres
Depuis que par un jour d’automne
J’ai fracassé tout l’avenir
Depuis que toujours à genoux
Je n’ai pas su lever la tête
Depuis que dans le désespoir
Dans l’horreur je me suis donné
Depuis l’éternité, je suis heureux.
Les plis du soir
Le soir tombait sur Paris quand le poète, revenu d’une marche à travers les avenues, ou sur les bords de la Seine, ouvrit la porte de son logis, et y entra feignant de ne pas le voir.
Il était temps d’éveiller les monstrueuses phrases, le cerveau trop carré, et de lui donner une allure gracieuse, ailée, sacrée. C’est ce qu’on lui avait demandé, et le poète n’avait pas d’autre choix.
Il ouvrit la fenêtre; l’air de la ville s’engouffra au fond de lui. Il ne savait pas comment rendre son parfum, son odeur de voix bouleversées, de cris.
Toujours pour trouver l’inspiration il portait ses regards au ciel : les nuages s’étageaient et le soleil reflété par les toits s’arrêtait sur chacun, les teignant d’une même teinte.
Alors il rechercha dans ses souvenirs quelque chose à évoquer, son enfance mille fois ratissée, et ses amours ! – ses amours trop parfaitement connues !
Il imagina un instant la description de ses rêves, leur rigoureuse peinture : ce serait « l’envie du désert », avec un peu plus de couleur locale ; mais il n’y parvint pas.
Car son rêve était plus fort que tout son art ; comme s’il ignorait que sa plume ne pesait guère dans la balance ! Fatigué de ce jugement trop prévisible, il resta fidèlement assis, à la fenêtre.
Tandis que la nuit approchait les bruits s’estompaient lentement – un cri partait ! C’était une chouette, un oiseau qui lui répondait de l’autre côté de l’avenue.
Encore un jour ! Rien ne s’était écoulé, deux trois visites, des poèmes informes en mémoire – et rien dans le cœur ! Avoir quelque chose à dire : c’était bien le rêve du poète !
Il abandonnait. Il se disait qu’il pourrait raconter n’importe quoi, pourvu que ce soit bien dit, que les mots forment une mélodie nouvelle, sans égale jusqu’ici, juste des mélodies.
On l’aurait alors célébré comme le « musicien-poète », celui qui a fait l’union ; et musique et poésie se seraient unies sous sa plume dans l’émerveillement des peuples.
Il aurait donné à ses phrases l’envol de l’opéra, la légèreté de la chanson, quand une voix siffle dans le matin poussiéreux, et que même la nature semble l’adopter.
Et ses larmes auraient le bruit de l’orgue au fond des cathédrales, ses désillusions un chant lumineux et sévère, dans les faisceaux du vitrail.
Quand un amour l’approchera, ce sera l’enthousiasme généralisé, la joie passera de cœur en cœur, et cet échange résonnera sur toute la terre.
Exalté par cette perspective, le poète sentit l’inspiration venir, il n’écouta que son cœur, plein de la certitude du succès, et voici la merveille qui devait le rendre immortel :
« Le jour couvert de rose, entouré de longs feux,
Volait en enflammant les derniers plis du soir ;
La lune se levait sur la terre des Dieux,
Pleurant ce qu’elle avait cru hier entrevoir. »
Le poète comprit vite que son malheur dépassait celui de la lune, sa désillusion la tombée du soir ; ce poème – non pas le fond de son cœur, juste un poème !
« J’ai perdu mon talent ! » – il se frappait le cœur, il se souvenait que depuis des jours il n’avait rien écrit de valable – et c’était quand, la dernière fois ?
Un texte l’avait enthousiasmé autrefois, un texte qu’il avait écrit ; et tout le reste lui semblait fade, misérable en regard ; mais ce trésor, il ne parvenait plus à s’en souvenir.
« C’était le poème de la joie pourtant : il célébrait l’amour sur la terre, l’émerveillement de la vie. Le cri de la naissance seul pouvait l’égaler. »
Tandis qu’il secouait désespérément sa mémoire, la nuit était tombée sur Paris, et l’obscurité noyait les formes ; une lumière brillait là-haut, solitaire.
Et quel passant aurait pu deviner qu’un homme rêvait d’enchanter les peuples, qu’il s’était imaginé célèbre par la musique et la poésie que lui dictait son cœur ?
Il abandonna sa mémoire, et reprit en main le vieux poème, pour l’améliorer, pour lui donner un quelconque intérêt – il se fit raccommodeur, couturier d’un haillon clair-obscur.
Le premier vers fut la pire des étapes. Les mots finirent par lui manquer, et son imagination serait sûrement morte de sécheresse, si le second vers n’était venu le rassurer, avec sa douceur.
« Volait, en enflammant les derniers plis du soir… » bien, c’était un peu pompeux, mais au moins il osait le dire sans que les mots ne se racornissent dans sa bouche, sans que cette dernière ne se rétracte à les dire.
La troisième ligne lui parut monstrueusement orgueilleuse, trop longue – « La lune se levait sur la terre des Dieux » . Il changea « se levait » en « s’éveillait », et passa au vers suivant.
Car il n’avait plus le courage de donner à ses mots le son de l’orgue, le sifflement de l’oiseau au milieu des champs, dans l’émerveillement du matin – la vie !
Le dernier vers le fit pleurer mais de désespoir. Il devina son rêve bien enterré, et voici ce qui parut deux jours plus tard, faisant la risée du rien-Paris :
« Le jour couvert de rose, entouré de longs feux,
Pleurait en enflammant les derniers plis du soir ;
La lune s’éveillait sur la terre des Dieux,
Volant ce qu’elle avait hier cru entrevoir. »
Il était temps d’éveiller les monstrueuses phrases, le cerveau trop carré, et de lui donner une allure gracieuse, ailée, sacrée. C’est ce qu’on lui avait demandé, et le poète n’avait pas d’autre choix.
Il ouvrit la fenêtre; l’air de la ville s’engouffra au fond de lui. Il ne savait pas comment rendre son parfum, son odeur de voix bouleversées, de cris.
Toujours pour trouver l’inspiration il portait ses regards au ciel : les nuages s’étageaient et le soleil reflété par les toits s’arrêtait sur chacun, les teignant d’une même teinte.
Alors il rechercha dans ses souvenirs quelque chose à évoquer, son enfance mille fois ratissée, et ses amours ! – ses amours trop parfaitement connues !
Il imagina un instant la description de ses rêves, leur rigoureuse peinture : ce serait « l’envie du désert », avec un peu plus de couleur locale ; mais il n’y parvint pas.
Car son rêve était plus fort que tout son art ; comme s’il ignorait que sa plume ne pesait guère dans la balance ! Fatigué de ce jugement trop prévisible, il resta fidèlement assis, à la fenêtre.
Tandis que la nuit approchait les bruits s’estompaient lentement – un cri partait ! C’était une chouette, un oiseau qui lui répondait de l’autre côté de l’avenue.
Encore un jour ! Rien ne s’était écoulé, deux trois visites, des poèmes informes en mémoire – et rien dans le cœur ! Avoir quelque chose à dire : c’était bien le rêve du poète !
Il abandonnait. Il se disait qu’il pourrait raconter n’importe quoi, pourvu que ce soit bien dit, que les mots forment une mélodie nouvelle, sans égale jusqu’ici, juste des mélodies.
On l’aurait alors célébré comme le « musicien-poète », celui qui a fait l’union ; et musique et poésie se seraient unies sous sa plume dans l’émerveillement des peuples.
Il aurait donné à ses phrases l’envol de l’opéra, la légèreté de la chanson, quand une voix siffle dans le matin poussiéreux, et que même la nature semble l’adopter.
Et ses larmes auraient le bruit de l’orgue au fond des cathédrales, ses désillusions un chant lumineux et sévère, dans les faisceaux du vitrail.
Quand un amour l’approchera, ce sera l’enthousiasme généralisé, la joie passera de cœur en cœur, et cet échange résonnera sur toute la terre.
Exalté par cette perspective, le poète sentit l’inspiration venir, il n’écouta que son cœur, plein de la certitude du succès, et voici la merveille qui devait le rendre immortel :
« Le jour couvert de rose, entouré de longs feux,
Volait en enflammant les derniers plis du soir ;
La lune se levait sur la terre des Dieux,
Pleurant ce qu’elle avait cru hier entrevoir. »
Le poète comprit vite que son malheur dépassait celui de la lune, sa désillusion la tombée du soir ; ce poème – non pas le fond de son cœur, juste un poème !
« J’ai perdu mon talent ! » – il se frappait le cœur, il se souvenait que depuis des jours il n’avait rien écrit de valable – et c’était quand, la dernière fois ?
Un texte l’avait enthousiasmé autrefois, un texte qu’il avait écrit ; et tout le reste lui semblait fade, misérable en regard ; mais ce trésor, il ne parvenait plus à s’en souvenir.
« C’était le poème de la joie pourtant : il célébrait l’amour sur la terre, l’émerveillement de la vie. Le cri de la naissance seul pouvait l’égaler. »
Tandis qu’il secouait désespérément sa mémoire, la nuit était tombée sur Paris, et l’obscurité noyait les formes ; une lumière brillait là-haut, solitaire.
Et quel passant aurait pu deviner qu’un homme rêvait d’enchanter les peuples, qu’il s’était imaginé célèbre par la musique et la poésie que lui dictait son cœur ?
Il abandonna sa mémoire, et reprit en main le vieux poème, pour l’améliorer, pour lui donner un quelconque intérêt – il se fit raccommodeur, couturier d’un haillon clair-obscur.
Le premier vers fut la pire des étapes. Les mots finirent par lui manquer, et son imagination serait sûrement morte de sécheresse, si le second vers n’était venu le rassurer, avec sa douceur.
« Volait, en enflammant les derniers plis du soir… » bien, c’était un peu pompeux, mais au moins il osait le dire sans que les mots ne se racornissent dans sa bouche, sans que cette dernière ne se rétracte à les dire.
La troisième ligne lui parut monstrueusement orgueilleuse, trop longue – « La lune se levait sur la terre des Dieux » . Il changea « se levait » en « s’éveillait », et passa au vers suivant.
Car il n’avait plus le courage de donner à ses mots le son de l’orgue, le sifflement de l’oiseau au milieu des champs, dans l’émerveillement du matin – la vie !
Le dernier vers le fit pleurer mais de désespoir. Il devina son rêve bien enterré, et voici ce qui parut deux jours plus tard, faisant la risée du rien-Paris :
« Le jour couvert de rose, entouré de longs feux,
Pleurait en enflammant les derniers plis du soir ;
La lune s’éveillait sur la terre des Dieux,
Volant ce qu’elle avait hier cru entrevoir. »
Le masque d’ombre
Chacun s’animait pour la fin du carnaval. Dans un palais, un vieillard hélait ses serviteurs, et les renvoyait ensuite. Il portait le masque le plus exceptionnel : un masque d’ombre.
Ce dernier n’avait en apparence rien de particulier : sur le visage s’étageaient les zones sombres et claires, dessinant les limites des yeux, les longs traits de la perruque.
Son costume n’était pas celui d’un domino, mais, habillé sans aucune recherche, normalement par rapport à d’habitude, le vieillard, sûr de son effet, se regarda avec jouissance dans le miroir.
Sa lèvre était peinte en rouge, ses joues grimées de rose, vivantes. Il avait aussi ajouté des cheveux comme des mauvaises herbes, si bien que l’on aurait pu les croire indésirables.
Il ajustait on ne sait quoi sur sa peau, et soudain les rides disparaissaient dans l’ombre.
Il le restait plus que la bouche, les joues, les cheveux, ardents.
C’était un jeune homme de l’ombre qui se levait, habillé comme un page ou comme un fils de boutiquier, et qui sortait avec empressement de chez le célèbre juge Siafco, maître de Venise.
Le carnaval achevait se décadence. On trouvait dans les rues, ou flottant sur les canaux, des monceaux de vêtements déchirés, de la nourriture en trop-plein, pourrissant parmi les pavés.
Le juge, ignorant ces spectacles, s’avançait vers le salon de la courtisane Œil-de-Soleil, et s’imaginait le délire d’or, de mets fins, de voluptés que son or allait faire naître.
Nombreux furent ceux qui se retournèrent à son passage. « Un jeune homme habillé normalement ! Quel bon goût ! » – s’exclamaient ceux qui le voyaient de derrière.
Les autres masques se lamentaient : « Il porte l’ombre sur son visage ! Maudit ! » Ils essayaient alors de l’éviter, en coupant par un passage, en traversant un canal.
Bien que tout le monde fût déguisé, lui seul paraissait réel. Personne n’aurait pensé tant d’audace ; on inventait son stratagème, on dessinait son masque sur le vide.
Le juge enleva un instant son masque, puis le ravisa sans se faire connaître à l’entrée ; et pénétrant discrètement parmi les robes, les couleurs, il se disait :
« Spectacles inutiles ! Moi seul ai su dompter la lumière, la cajoler. A travers mon masque mon image est toute entière ombre de moi-même, néant caressable.
« Lorsque sous le plus épais fard mes rides se percevraient encore, ici, mon âme renaît comme mon visage meurt. J’étais mort toute mon enfance, j’entre dans la jeunesse, à moi la vie ! »
Il aborda Œil-de-Soleil, la limpide, la splendide qui, amusée par un si jeune homme, l’emporta dans une chambre voisine, où il s’apprêta à la satisfaire.
Il découvrait avec un plaisir nouveau ce corps connu ; sans se défaire de ses vêtements, il rit avec elle un instant, puis la laissa désappointée, furieuse, et retrouva la société.
Les invités, le voyant paraître de la maîtresse de maison, se retournaient discrètement ; des sifflements se firent entendre. Les femmes préparaient leurs attaques :
« Jeune homme, jamais je n’avais rien vu de si beau que toi. Tu contiens les ténèbres et le jour, tu les maîtrises comme le comédien sa voix. Tu n’es pas même le portrait de mon rêve, tu es mon rêve ! »
« Jeune homme, dès le premier regard tu m’as intriguée ; je voudrais me plonger en toi comme en un océan. Tu es la nuit qui tombe au fond des longues perspectives. Tu es le triste zénith ! »
« Jeune homme, ô souffrance ! Combien de fois mes yeux ont-ils vu croître l’automne, et souffler les vents étouffants sur la ville, avant de t’entrevoir comme aujourd’hui, libre, étrange, intense ! »
Le juge s’effaçait doucement, et reprenait galamment sa marche. Là, un groupe entier lui cédait la place ; là, on se poussait pour danser à ses côtés ; il était le cœur de la fête.
Il goûtait de chaque chose, il absorbait chaque larme de cette existence concentrée avec une avidité de mutin. Le masque d’ombre l’isolait de la sensation extérieure.
Mais Œil-de-Soleil avait préparé sa vengeance. Elle fit venir son peintre préféré, et lui commanda de repeindre ce masque, puisque la clarté seule n’y pouvait rien.
Le peintre entra dans la salle, et se posa légèrement devant le jeune homme. Il prit un gros pinceau ; il réalisa deux lignes jaunes qui passaient sur les yeux.
Le juge, aveuglé s’essuya, mais son geste fit partir le masque d’ombre. Les cris les plus comiques retentirent de part en part. On se raillait l’un l’autre de sa bêtise.
La courtisane, horrifiée par son erreur, se jeta aux pieds du vieillard. Un silence inaltérable s’installa. Les regards étaient figés sur cette piteuse scène. Le vieillard ouvrit la bouche :
« Amour, existence. Lors même que je vous perdais, je vous trouvai. Lors même que je vous trouvai, je vous perds. O traîtrise, traîtrise ! Juger à longueur de vie, et ne pas pouvoir se juger soi-même ! »
Il enleva doucement la peinture du masque, sans en rendre son premier aspect. Il sortit son poignard ottoman, couvert de précieuses pierreries, et l’enfonça dans son cœur. Puis il mit le masque.
Le vieillard s’appuya sur une table, chancelant. Et il se vit à la fin du carnaval ! Mais autour de lui volait dansait parmi la foule la croix jaune, aveuglante comme le soleil jamais vu – comme le monde réel !
Ce dernier n’avait en apparence rien de particulier : sur le visage s’étageaient les zones sombres et claires, dessinant les limites des yeux, les longs traits de la perruque.
Son costume n’était pas celui d’un domino, mais, habillé sans aucune recherche, normalement par rapport à d’habitude, le vieillard, sûr de son effet, se regarda avec jouissance dans le miroir.
Sa lèvre était peinte en rouge, ses joues grimées de rose, vivantes. Il avait aussi ajouté des cheveux comme des mauvaises herbes, si bien que l’on aurait pu les croire indésirables.
Il ajustait on ne sait quoi sur sa peau, et soudain les rides disparaissaient dans l’ombre.
Il le restait plus que la bouche, les joues, les cheveux, ardents.
C’était un jeune homme de l’ombre qui se levait, habillé comme un page ou comme un fils de boutiquier, et qui sortait avec empressement de chez le célèbre juge Siafco, maître de Venise.
Le carnaval achevait se décadence. On trouvait dans les rues, ou flottant sur les canaux, des monceaux de vêtements déchirés, de la nourriture en trop-plein, pourrissant parmi les pavés.
Le juge, ignorant ces spectacles, s’avançait vers le salon de la courtisane Œil-de-Soleil, et s’imaginait le délire d’or, de mets fins, de voluptés que son or allait faire naître.
Nombreux furent ceux qui se retournèrent à son passage. « Un jeune homme habillé normalement ! Quel bon goût ! » – s’exclamaient ceux qui le voyaient de derrière.
Les autres masques se lamentaient : « Il porte l’ombre sur son visage ! Maudit ! » Ils essayaient alors de l’éviter, en coupant par un passage, en traversant un canal.
Bien que tout le monde fût déguisé, lui seul paraissait réel. Personne n’aurait pensé tant d’audace ; on inventait son stratagème, on dessinait son masque sur le vide.
Le juge enleva un instant son masque, puis le ravisa sans se faire connaître à l’entrée ; et pénétrant discrètement parmi les robes, les couleurs, il se disait :
« Spectacles inutiles ! Moi seul ai su dompter la lumière, la cajoler. A travers mon masque mon image est toute entière ombre de moi-même, néant caressable.
« Lorsque sous le plus épais fard mes rides se percevraient encore, ici, mon âme renaît comme mon visage meurt. J’étais mort toute mon enfance, j’entre dans la jeunesse, à moi la vie ! »
Il aborda Œil-de-Soleil, la limpide, la splendide qui, amusée par un si jeune homme, l’emporta dans une chambre voisine, où il s’apprêta à la satisfaire.
Il découvrait avec un plaisir nouveau ce corps connu ; sans se défaire de ses vêtements, il rit avec elle un instant, puis la laissa désappointée, furieuse, et retrouva la société.
Les invités, le voyant paraître de la maîtresse de maison, se retournaient discrètement ; des sifflements se firent entendre. Les femmes préparaient leurs attaques :
« Jeune homme, jamais je n’avais rien vu de si beau que toi. Tu contiens les ténèbres et le jour, tu les maîtrises comme le comédien sa voix. Tu n’es pas même le portrait de mon rêve, tu es mon rêve ! »
« Jeune homme, dès le premier regard tu m’as intriguée ; je voudrais me plonger en toi comme en un océan. Tu es la nuit qui tombe au fond des longues perspectives. Tu es le triste zénith ! »
« Jeune homme, ô souffrance ! Combien de fois mes yeux ont-ils vu croître l’automne, et souffler les vents étouffants sur la ville, avant de t’entrevoir comme aujourd’hui, libre, étrange, intense ! »
Le juge s’effaçait doucement, et reprenait galamment sa marche. Là, un groupe entier lui cédait la place ; là, on se poussait pour danser à ses côtés ; il était le cœur de la fête.
Il goûtait de chaque chose, il absorbait chaque larme de cette existence concentrée avec une avidité de mutin. Le masque d’ombre l’isolait de la sensation extérieure.
Mais Œil-de-Soleil avait préparé sa vengeance. Elle fit venir son peintre préféré, et lui commanda de repeindre ce masque, puisque la clarté seule n’y pouvait rien.
Le peintre entra dans la salle, et se posa légèrement devant le jeune homme. Il prit un gros pinceau ; il réalisa deux lignes jaunes qui passaient sur les yeux.
Le juge, aveuglé s’essuya, mais son geste fit partir le masque d’ombre. Les cris les plus comiques retentirent de part en part. On se raillait l’un l’autre de sa bêtise.
La courtisane, horrifiée par son erreur, se jeta aux pieds du vieillard. Un silence inaltérable s’installa. Les regards étaient figés sur cette piteuse scène. Le vieillard ouvrit la bouche :
« Amour, existence. Lors même que je vous perdais, je vous trouvai. Lors même que je vous trouvai, je vous perds. O traîtrise, traîtrise ! Juger à longueur de vie, et ne pas pouvoir se juger soi-même ! »
Il enleva doucement la peinture du masque, sans en rendre son premier aspect. Il sortit son poignard ottoman, couvert de précieuses pierreries, et l’enfonça dans son cœur. Puis il mit le masque.
Le vieillard s’appuya sur une table, chancelant. Et il se vit à la fin du carnaval ! Mais autour de lui volait dansait parmi la foule la croix jaune, aveuglante comme le soleil jamais vu – comme le monde réel !
Le vieux fou
Il pleuvait dans la sublime ville de Toulouse, quand le comte, revenu de croisade, fit son arrivée. Quelques passants s’arrêtaient, sans le reconnaître, puis reprenaient leurs routes.
A mi-chemin, sur une place humide, le chevalier vit un vieux fou, qu’il avait admiré dans sa jeunesse. Il le salua, mais l’autre ne le vit pas :
« Ami ! Te souviens-tu de moi ? Personne dans cette ville ne daigne m’adresser la parole, et je ne parle plus qu’à un fou… et je suis maître de cette ville ! »
Notre fou tourna très lentement la tête, comme une cathédrale qui s’effondre. Puis il pensa au temps passé, lorsqu’à la cour ses pitreries l’avaient distingué des autres.
Il était si incroyable : à des banquets parfois la salle entière, le palais même, semblait pris d’une intense secousse, puis retombait doucement.
D’autres fois, il recevait de chaque côté tant de pièces d’or, qu’il aurait pu se croire le plus riche artisan de la ville. Et il s’en allait avec ses colonnes de ducats, sûr de sa propre valeur.
Mais un jour le comte son maître était parti pour la croisade. Il l’avait laissé dans ce palais vide, sans joie, et le pauvre fou, dans l’oubli, abandonna cet univers.
La ville était morte depuis ce temps-là… En quelques époques, dans quelques auberges, il essayait ses tours, il ranimait son corps mais personne ne le remarquait.
Ses quelques pièces avaient disparu dès le début, et il ne lui restait, sur cette place, qu’à se souvenir du passé. Ainsi quand le comte arriva fit-il semblant de ne pas le voir.
Il avait connu les nombreux alchimistes de Toulouse. Caché dans les alcôves, il épiait leurs secrets, conservait leurs recettes ; il n’y eut pas plus savant que lui.
Le comte fatigué de ce silence commença à rire de lui. Il mimait la position du sourd, il s’amusait de plein cœur et sa petite escorte, quoique épuisée par le voyage, le suivait.
Le fou se mit à parler paisiblement : « Chien, hideux personnage, animal ! Qui te permet de rire dans ce monde ? Te crois-tu meilleur d’avoir délivré quelques pierres ?
« Mais, m’abandonnant sur cette terre déserte, ivre de tristesse parmi la joie, as-tu songé au jour dont tu volais le soleil ? As-tu songé aux mers dont tu supprimais tout vent ?
« Lorsque je m’élançais dans ces immenses palais, plein de l’espoir d’être vu, roulant dans les blocs de granit, dans les tapis, dans les pieds des gens, n’étais-je pas soleil et vent de ton repas ?
« Lorsque tu m’invitais dans ces fêtes, et, bienfaiteur parmi les bienfaiteurs, ami parmi les amis, que ton rire valait tous les cadeaux de la ville, n’étais-tu pas vent et soleil pour moi ?
« Ainsi, nos deux âmes se félicitaient l’une à l’autre ; nous sommes les mêmes, si ce n’est la naissance et le corps, qui ne sont que des nuages sous le ciel. »
Le vieux fou perdit toute épaisseur. Ses habits, durcis par l’âge, devinrent flasques comme de la chair. Une grande secousse sembla l’emporter au paradis.
Le comte rit de ce discours incompréhensible, et de cette mort attendue, mais soudain son rire s’anéantit. Ses yeux parurent s’endormir dans la contemplation du cadavre.
Bouche ouverte, les yeux blancs, le comte vit défiler sa vie comme un troupeau de loups, de chiens sauvages. Il respirait à toute vitesse ses dernières chances d’être lui.
Ah ! La croisade, Jérusalem, tout ce qui échouait ! Ah ! La nuit dans les campements de guerre, les forts de Palestine, dans les carnages de la défaite !
Ah ! Les longues joies de la France, les foules étonnantes, les chasses ! Les triples montagnes dans la lumière du soir, le fleuve allongé sous ses ponts, la mer !
La jeunesse, une dame passait sous les astres ; c’était un arbre, un bonheur. Ah ! L’enfance rêvée, le jour du baptême dans la sublime place, la naissance !
Puis le comte tomba de son cheval. Il s’exhala une vapeur, qui se dirigea vers le cadavre du fou. Chacun descendit et se pencha sur le comte.
Mais il se releva, déclarant que tout allait bien, d’une voix changée. Il remonta en selle. Le vieux fou avait pris le corps du comte.
On vit bientôt le mendiant reprendre vie, et crier affreusement. L’escorte se mit en route, insensible, suivie par ses gémissements. Il s’arrêta.
Après des années de réflexion il quitta la ville, passa les frontières du royaume. Arrivé sur une autre place, il contempla son existence passée et se mit à rire…
Et caravanes, tapisseries, femmes ! Ville de Toulouse, beauté, festins, tout s’offrait à l’âme du vieux fou, vaste dans le corps du comte.
Ambitions, espoirs, amours, l’homme les faisait siens, les personnifiait, et il s’avança ainsi, marchant dans la lumière, dans une pluie de neige et de feu.
Plus haut ! Toujours plus haut ! Il admirait chaque spectacle, il s’extasiait de chaque chanson ! Et sage, fou, comte, mendiant à la fois, le monde trembla d’un immense éclat de rire.
A mi-chemin, sur une place humide, le chevalier vit un vieux fou, qu’il avait admiré dans sa jeunesse. Il le salua, mais l’autre ne le vit pas :
« Ami ! Te souviens-tu de moi ? Personne dans cette ville ne daigne m’adresser la parole, et je ne parle plus qu’à un fou… et je suis maître de cette ville ! »
Notre fou tourna très lentement la tête, comme une cathédrale qui s’effondre. Puis il pensa au temps passé, lorsqu’à la cour ses pitreries l’avaient distingué des autres.
Il était si incroyable : à des banquets parfois la salle entière, le palais même, semblait pris d’une intense secousse, puis retombait doucement.
D’autres fois, il recevait de chaque côté tant de pièces d’or, qu’il aurait pu se croire le plus riche artisan de la ville. Et il s’en allait avec ses colonnes de ducats, sûr de sa propre valeur.
Mais un jour le comte son maître était parti pour la croisade. Il l’avait laissé dans ce palais vide, sans joie, et le pauvre fou, dans l’oubli, abandonna cet univers.
La ville était morte depuis ce temps-là… En quelques époques, dans quelques auberges, il essayait ses tours, il ranimait son corps mais personne ne le remarquait.
Ses quelques pièces avaient disparu dès le début, et il ne lui restait, sur cette place, qu’à se souvenir du passé. Ainsi quand le comte arriva fit-il semblant de ne pas le voir.
Il avait connu les nombreux alchimistes de Toulouse. Caché dans les alcôves, il épiait leurs secrets, conservait leurs recettes ; il n’y eut pas plus savant que lui.
Le comte fatigué de ce silence commença à rire de lui. Il mimait la position du sourd, il s’amusait de plein cœur et sa petite escorte, quoique épuisée par le voyage, le suivait.
Le fou se mit à parler paisiblement : « Chien, hideux personnage, animal ! Qui te permet de rire dans ce monde ? Te crois-tu meilleur d’avoir délivré quelques pierres ?
« Mais, m’abandonnant sur cette terre déserte, ivre de tristesse parmi la joie, as-tu songé au jour dont tu volais le soleil ? As-tu songé aux mers dont tu supprimais tout vent ?
« Lorsque je m’élançais dans ces immenses palais, plein de l’espoir d’être vu, roulant dans les blocs de granit, dans les tapis, dans les pieds des gens, n’étais-je pas soleil et vent de ton repas ?
« Lorsque tu m’invitais dans ces fêtes, et, bienfaiteur parmi les bienfaiteurs, ami parmi les amis, que ton rire valait tous les cadeaux de la ville, n’étais-tu pas vent et soleil pour moi ?
« Ainsi, nos deux âmes se félicitaient l’une à l’autre ; nous sommes les mêmes, si ce n’est la naissance et le corps, qui ne sont que des nuages sous le ciel. »
Le vieux fou perdit toute épaisseur. Ses habits, durcis par l’âge, devinrent flasques comme de la chair. Une grande secousse sembla l’emporter au paradis.
Le comte rit de ce discours incompréhensible, et de cette mort attendue, mais soudain son rire s’anéantit. Ses yeux parurent s’endormir dans la contemplation du cadavre.
Bouche ouverte, les yeux blancs, le comte vit défiler sa vie comme un troupeau de loups, de chiens sauvages. Il respirait à toute vitesse ses dernières chances d’être lui.
Ah ! La croisade, Jérusalem, tout ce qui échouait ! Ah ! La nuit dans les campements de guerre, les forts de Palestine, dans les carnages de la défaite !
Ah ! Les longues joies de la France, les foules étonnantes, les chasses ! Les triples montagnes dans la lumière du soir, le fleuve allongé sous ses ponts, la mer !
La jeunesse, une dame passait sous les astres ; c’était un arbre, un bonheur. Ah ! L’enfance rêvée, le jour du baptême dans la sublime place, la naissance !
Puis le comte tomba de son cheval. Il s’exhala une vapeur, qui se dirigea vers le cadavre du fou. Chacun descendit et se pencha sur le comte.
Mais il se releva, déclarant que tout allait bien, d’une voix changée. Il remonta en selle. Le vieux fou avait pris le corps du comte.
On vit bientôt le mendiant reprendre vie, et crier affreusement. L’escorte se mit en route, insensible, suivie par ses gémissements. Il s’arrêta.
Après des années de réflexion il quitta la ville, passa les frontières du royaume. Arrivé sur une autre place, il contempla son existence passée et se mit à rire…
Et caravanes, tapisseries, femmes ! Ville de Toulouse, beauté, festins, tout s’offrait à l’âme du vieux fou, vaste dans le corps du comte.
Ambitions, espoirs, amours, l’homme les faisait siens, les personnifiait, et il s’avança ainsi, marchant dans la lumière, dans une pluie de neige et de feu.
Plus haut ! Toujours plus haut ! Il admirait chaque spectacle, il s’extasiait de chaque chanson ! Et sage, fou, comte, mendiant à la fois, le monde trembla d’un immense éclat de rire.
Le colosse
L’empereur s’ennuyait aux spectacles du cirque : depuis une heure quelques gladiateurs, quelques animaux ; avec cela, se satisfaire ? Et pourtant sa loge était la mieux placée, et pourtant il décidait de tout.
Ce n’était pas de ce genre de combat qu’il fallait. Il lui manquait des océans, des montagnes à gravir, de vraies batailles, des incendies ! Plus de mort ! Plus de vie pour la mort ! Plus de vie !
« A quand les invasions des peuples barbares ? – se demandait-il – à quand la fin de Rome ? O Germains, approchez, détruisez ces murs, violez nos filles, pillez nos trésors ! »
Puis il rasseyait sa pensée : « César a conquis la mer, Hannibal a gravi les Alpes, Néron a brûlé la ville ; et moi, comment m’amuserai-je ? Comment résisterai-je ?
« Pffh… Et que me font ces distractions ! A bas les distractions. Les femmes, les hommes, même dans le carnage, ils restent des corps, des objets géométriques ;
« Quand bien même un seul corps est plus drôle que les autres, je l’aime, je le désire, et c’en est fini de moi. Mais je le possède à peine que déjà je renais dans mon ennui.
« Le pire, c’est que je suis libre ! C’est que je n’ai ni dieux, ni maîtres. Je suis à moi-même mon démon. Pourquoi parler de ‘démon’ ? – je voulais dire : ‘connaissance’.
« Je pourrai déchaîner la plus grande armée de la terre ; comme une guerre civile, je pourrais, obliger l’amour aussi bien que la haine dans l’empire, mais je ne le ferai pas.
« J’aurais bien aimé vivre (ne cherchons pas plus loin). Car évidemment je suis ruiné, faible, solitaire. J’ai tout perdu, et pourtant jamais je ne fus si riche, fort, et admiré.
« Je hais mon prochain comme moi-même. J’ai mis mon amour à mort… Et toi, foule de ce cirque, jamais tu ne sauras le spectacle qui t’attend. Voici enfin ton désir comblé : entrer dans le spectacle ! »
Dans ce monde il avait en effet aperçu le général Vilaba. Il lui fit rapidement le détail de la situation. Vilaba faillit perdre ses yeux. Mais l’empereur restait impassible.
« Jamais je ne le ferai ! – cria le général – Regardez comme ils s’amusent… Soit… Pensez… à votre postérité, que laisserez-vous de notre temps, désirez-vous abandonner une pareille image ? »
Mais notre ami savait bien que c’est le temps qui lui avait laissé une si triste image, et que le temps encore ne méritait pas sa postérité. Inconnu ! Quel plaisir !
On ne lui résistait pas plus qu’il ne résistait à l’ennui. Dès que l’on donna des ordres, que l’on réveilla l’Etat, sortirent de toutes les casernes les catapultes.
La foule se groupait dans les rues, et s’interrogeait sur ce nouveau spectacle. On installa les machines de guerre autour du cirque, chacune visant un pilier.
Le peuple comprit ce qui allait se passer, et curieux, s’étagea sur les bâtiments des environs. Car le Colisée allait bien s’écrouler, et Rome et le monde avec !
L’empereur pour la première fois leva la main. Tous les projectiles partirent d’un coup. Le temps du trajet, un grand murmure s’imposa. Puis le cirque reçut son premier coup d’étau.
Les spectateurs sursautèrent, mais ne s’étonnèrent point : des éléphants combattaient, et rien ou presque n’aurait pu écarter l’attention du public. L’empereur eut un remord.
« Tant de monde, tant de morts, pour moi seul ? A quoi bon ! Là où le ciel brille,… que voulais-je dire ? Le ciel ne brille jamais pour moi. Et maintenant…
« Je me suis trompé ! Je n’aurais pas dû ! J’aime le peuple de Rome retenant son souffle un instant, et le libérant comme des coups de bélier ! J’aime leur vie.
« Mais depuis tant d’années je la vois, cette ‘vie’. Elle n’est pas à la taille de l’homme ; en un jour, en une saison peut-être saurait-il vivre. Ici, tant d’entractes ! »
Au deuxième coups le public se regarda stupéfait. Il n’y eut aucun mouvement de panique. Mais au dehors on excitait les soldats, on les encourageait.
Les pierres basses se décalaient. La façade perdait doucement son harmonie. Mais l’empereur jouissait du silence, jouissait de sa ruine. Il ne rêvait plus son pouvoir !
La colonnade du haut s’écroula au troisième coup. Les cris s’allumèrent dans tout le cirque ; mais déjà, glissant sur les corps, les plus lourds blocs roulaient.
Tout le monde fut enfin changé en un corps vivant : les mouvements des fuyards, leur peur, formaient une mer, tempestueuse et maternelle, mère de pierre !
Les marbres écrasaient, dévalant les marches. Tout devint plus rouge, plus humide, qu’en une naumachie. Des toits de la ville on entendait ce tumulte, et on imaginait.
Une statue pourtant, plus haute que les autres, courait parmi le sacrifice, s’approchant de la loge impériale. Elle s’abattit sur le monarque, et continua son chemin.
Quelle fête ! Quelle cruelle somptuosité ! L’empereur avant de mourir ne regarda pas son âme qui partait, mais, fixant le sable, il contemplait son travail.
Ailleurs ! Ailleurs ! En férocité il avait battu la vie ! Un peuple s’avance pour son triomphe. Un peuple exalte son bonheur ! Victoire de l’homme… Mais le cirque était désert, et l’empereur immortel.
Ce n’était pas de ce genre de combat qu’il fallait. Il lui manquait des océans, des montagnes à gravir, de vraies batailles, des incendies ! Plus de mort ! Plus de vie pour la mort ! Plus de vie !
« A quand les invasions des peuples barbares ? – se demandait-il – à quand la fin de Rome ? O Germains, approchez, détruisez ces murs, violez nos filles, pillez nos trésors ! »
Puis il rasseyait sa pensée : « César a conquis la mer, Hannibal a gravi les Alpes, Néron a brûlé la ville ; et moi, comment m’amuserai-je ? Comment résisterai-je ?
« Pffh… Et que me font ces distractions ! A bas les distractions. Les femmes, les hommes, même dans le carnage, ils restent des corps, des objets géométriques ;
« Quand bien même un seul corps est plus drôle que les autres, je l’aime, je le désire, et c’en est fini de moi. Mais je le possède à peine que déjà je renais dans mon ennui.
« Le pire, c’est que je suis libre ! C’est que je n’ai ni dieux, ni maîtres. Je suis à moi-même mon démon. Pourquoi parler de ‘démon’ ? – je voulais dire : ‘connaissance’.
« Je pourrai déchaîner la plus grande armée de la terre ; comme une guerre civile, je pourrais, obliger l’amour aussi bien que la haine dans l’empire, mais je ne le ferai pas.
« J’aurais bien aimé vivre (ne cherchons pas plus loin). Car évidemment je suis ruiné, faible, solitaire. J’ai tout perdu, et pourtant jamais je ne fus si riche, fort, et admiré.
« Je hais mon prochain comme moi-même. J’ai mis mon amour à mort… Et toi, foule de ce cirque, jamais tu ne sauras le spectacle qui t’attend. Voici enfin ton désir comblé : entrer dans le spectacle ! »
Dans ce monde il avait en effet aperçu le général Vilaba. Il lui fit rapidement le détail de la situation. Vilaba faillit perdre ses yeux. Mais l’empereur restait impassible.
« Jamais je ne le ferai ! – cria le général – Regardez comme ils s’amusent… Soit… Pensez… à votre postérité, que laisserez-vous de notre temps, désirez-vous abandonner une pareille image ? »
Mais notre ami savait bien que c’est le temps qui lui avait laissé une si triste image, et que le temps encore ne méritait pas sa postérité. Inconnu ! Quel plaisir !
On ne lui résistait pas plus qu’il ne résistait à l’ennui. Dès que l’on donna des ordres, que l’on réveilla l’Etat, sortirent de toutes les casernes les catapultes.
La foule se groupait dans les rues, et s’interrogeait sur ce nouveau spectacle. On installa les machines de guerre autour du cirque, chacune visant un pilier.
Le peuple comprit ce qui allait se passer, et curieux, s’étagea sur les bâtiments des environs. Car le Colisée allait bien s’écrouler, et Rome et le monde avec !
L’empereur pour la première fois leva la main. Tous les projectiles partirent d’un coup. Le temps du trajet, un grand murmure s’imposa. Puis le cirque reçut son premier coup d’étau.
Les spectateurs sursautèrent, mais ne s’étonnèrent point : des éléphants combattaient, et rien ou presque n’aurait pu écarter l’attention du public. L’empereur eut un remord.
« Tant de monde, tant de morts, pour moi seul ? A quoi bon ! Là où le ciel brille,… que voulais-je dire ? Le ciel ne brille jamais pour moi. Et maintenant…
« Je me suis trompé ! Je n’aurais pas dû ! J’aime le peuple de Rome retenant son souffle un instant, et le libérant comme des coups de bélier ! J’aime leur vie.
« Mais depuis tant d’années je la vois, cette ‘vie’. Elle n’est pas à la taille de l’homme ; en un jour, en une saison peut-être saurait-il vivre. Ici, tant d’entractes ! »
Au deuxième coups le public se regarda stupéfait. Il n’y eut aucun mouvement de panique. Mais au dehors on excitait les soldats, on les encourageait.
Les pierres basses se décalaient. La façade perdait doucement son harmonie. Mais l’empereur jouissait du silence, jouissait de sa ruine. Il ne rêvait plus son pouvoir !
La colonnade du haut s’écroula au troisième coup. Les cris s’allumèrent dans tout le cirque ; mais déjà, glissant sur les corps, les plus lourds blocs roulaient.
Tout le monde fut enfin changé en un corps vivant : les mouvements des fuyards, leur peur, formaient une mer, tempestueuse et maternelle, mère de pierre !
Les marbres écrasaient, dévalant les marches. Tout devint plus rouge, plus humide, qu’en une naumachie. Des toits de la ville on entendait ce tumulte, et on imaginait.
Une statue pourtant, plus haute que les autres, courait parmi le sacrifice, s’approchant de la loge impériale. Elle s’abattit sur le monarque, et continua son chemin.
Quelle fête ! Quelle cruelle somptuosité ! L’empereur avant de mourir ne regarda pas son âme qui partait, mais, fixant le sable, il contemplait son travail.
Ailleurs ! Ailleurs ! En férocité il avait battu la vie ! Un peuple s’avance pour son triomphe. Un peuple exalte son bonheur ! Victoire de l’homme… Mais le cirque était désert, et l’empereur immortel.
Un soir,
Tu tendras la main vers ma cachette.
Tes yeux
Eclaireront chaque chose en moi.
Je sais
Que je ne pourrais jamais t’aimer.
Ecoute,
Je rêve moi de tous ces amours.
Tu sais
Que ta vie m’est plus chère que la mienne.
Ta vie,
J’en aurais bu chaque goutte d’or.
A l’aube
Tu partiras là-bas loin de moi.
Alors,
Je croirai vraiment t’avoir aimée.
Tu tendras la main vers ma cachette.
Tes yeux
Eclaireront chaque chose en moi.
Je sais
Que je ne pourrais jamais t’aimer.
Ecoute,
Je rêve moi de tous ces amours.
Tu sais
Que ta vie m’est plus chère que la mienne.
Ta vie,
J’en aurais bu chaque goutte d’or.
A l’aube
Tu partiras là-bas loin de moi.
Alors,
Je croirai vraiment t’avoir aimée.
Joie de vivre
Ce visage ne mourra pas – non.
Pas plus que son souvenir.
Les lumières n’abandonneront
Pas ce sourire.
Quel plaisir de penser
Que la beauté existe sur la terre.
Et ton corps – j’en suis fou –
Et ta bouche, et ton visage
– Pour l’embrasser, je donnerais tout –
Chantent encor ce message :
« Quel plaisir de penser
Que la beauté existe sur la terre. »
Jamais je n’ai vu l’avenir
Si clair. Jamais
N’ai-je osé convenir
Qu’il me fut loisible d’aimer ;
Et quel plaisir c’est de penser
Que la beauté existe sur la terre !
La vie s’offre à qui veut la prendre,
Et à l’idole comme au traître,
Pour laisser tout amour se fendre,
Pour laisser tout amour renaître.
Ah ! quel plaisir de penser
Que la beauté existe sur la terre.
Quel plaisir de vivre pour vivre ;
Pour vivre, oh ! j’aurais traversé les mers !
J’aurais brisé dans mon livre
L’amertume d’être amer !
Mais quel plaisir c’est de penser
Que la beauté existe sur la terre !
Je me renie. Si jamais j’ai pu dire
Que le monde court à sa perte,
Que le bonheur est le moins pire ;
Si j’ai jamais sonné l’alerte.
Quel plaisir pourtant de penser
Que la beauté existe sur la terre.
Alerte ! Il y’a un paradis
Il y a un visage qui jamais ne mourra –
Non – une âme qui viendra par ici,
Et que je tiendrai dans mes bras.
Quel plaisir – oui – de penser
Que ta beauté règne sur la terre…
Pas plus que son souvenir.
Les lumières n’abandonneront
Pas ce sourire.
Quel plaisir de penser
Que la beauté existe sur la terre.
Et ton corps – j’en suis fou –
Et ta bouche, et ton visage
– Pour l’embrasser, je donnerais tout –
Chantent encor ce message :
« Quel plaisir de penser
Que la beauté existe sur la terre. »
Jamais je n’ai vu l’avenir
Si clair. Jamais
N’ai-je osé convenir
Qu’il me fut loisible d’aimer ;
Et quel plaisir c’est de penser
Que la beauté existe sur la terre !
La vie s’offre à qui veut la prendre,
Et à l’idole comme au traître,
Pour laisser tout amour se fendre,
Pour laisser tout amour renaître.
Ah ! quel plaisir de penser
Que la beauté existe sur la terre.
Quel plaisir de vivre pour vivre ;
Pour vivre, oh ! j’aurais traversé les mers !
J’aurais brisé dans mon livre
L’amertume d’être amer !
Mais quel plaisir c’est de penser
Que la beauté existe sur la terre !
Je me renie. Si jamais j’ai pu dire
Que le monde court à sa perte,
Que le bonheur est le moins pire ;
Si j’ai jamais sonné l’alerte.
Quel plaisir pourtant de penser
Que la beauté existe sur la terre.
Alerte ! Il y’a un paradis
Il y a un visage qui jamais ne mourra –
Non – une âme qui viendra par ici,
Et que je tiendrai dans mes bras.
Quel plaisir – oui – de penser
Que ta beauté règne sur la terre…
Ensemble
Je nous imaginais dépassant le monde,
Rêvant d’un azur sans faille, d’une vie simple,
Je contemplais les yeux éblouis ce qui s’offrait à moi :
A peine ouvrais-je un livre qu’il me parlait de toi,
A peine écrivais-je un mot qu’il était fait pour toi,
Et dans ce complet environnement, cette obsession,
Je me disais que la vie serait simple, serait douce.
Rêvant d’un azur sans faille, d’une vie simple,
Je contemplais les yeux éblouis ce qui s’offrait à moi :
A peine ouvrais-je un livre qu’il me parlait de toi,
A peine écrivais-je un mot qu’il était fait pour toi,
Et dans ce complet environnement, cette obsession,
Je me disais que la vie serait simple, serait douce.
Récit d’un inconnu
Je vivais dans un pays sinistre. Je me voulais le plus grand des hommes. Ma vie n’avait pas d’autre sens.
Je me méfiais de mon prochain comme de moi-même. Je n’avais rien à dire, mais je parlais. Ma voix était une eau croupie.
Je rêvais parfois à d’autres astres. Je m’imaginais régnant sur des milliards de peuples. Mon âme n’avait qu’un but.
Pourtant ce soir le jour se lève.
Un jour enchanteur ouvre ses portes
– Les portes par orgueil fermées. – L’orgueil s’éteint dans un dernier sursaut ;
( Et je vis désormais !
Et je suis à jamais libre…
Libre, de me croire enfin moi-même,
Libre de me croire vivant !)
Et ce soir tu m’attendras,
Et ce soir l’avenir se déchire,
Comme un rideau
Je vois tomber ma vie ancienne.
Ah ! j’étais vieux autrefois !
Brûlons les traits de ma jeunesse !
Et je marche, dans la lumière,
Baptême (Le veilleur de nuits)
C’est le matin doré.
Dans les champs tout s’éveille,
Et pleure de merveille
Le monde fatigué.
C’est la vie qui renaît –
O la vie sans pareille !
Délivré de la veille
Je bois l’aube à grands traits.
Un nouveau jour commence.
Ecoute le silence
Pour toi il s’évanouit.
Car tu es l’aube étrange,
Le royaume d’un ange,
Qui s’avance, inouï.
Dans les champs tout s’éveille,
Et pleure de merveille
Le monde fatigué.
C’est la vie qui renaît –
O la vie sans pareille !
Délivré de la veille
Je bois l’aube à grands traits.
Un nouveau jour commence.
Ecoute le silence
Pour toi il s’évanouit.
Car tu es l’aube étrange,
Le royaume d’un ange,
Qui s’avance, inouï.
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